Tribune. L’annonce fait beaucoup de bruit : l’emploi salarié privé au quatrième trimestre aurait augmenté de 0,5 % de plus qu’en 2019, c’est-à-dire avant la crise liée à la pandémie de Covid-19.
Ce résultat est tiré du titre d’un document de l’Insee, une « estimation flash » de l’évolution de l’emploi salarié au quatrième trimestre 2021. Malheureusement, si la note rappelle soigneusement la définition d’un emploi qu’elle retenu – un savoir des emplois occupés par des personnes « ayant travaillé au moins une heure rémunérée pendant une période donnée », ainsi que les personnes en situation de chômage partiel ou en arrêt maladie –, elle n’en tire pas toutes les conséquences. Pas plus que les médias, qui ont abondamment relayé cette donnée statistique.
En effet, les chiffres mis en avant additionnent des choux et des carottes, sur au moins deux plans. Premier plan : le type de contrat de travail. La croissance de 0,5 % de l’emploi salarié au quatrième trimestre comprend tous les contrats de travail, donc des emplois en contrats à durée indéterminée, en contrats à durée déterminée ou encore en intérim. Il faut noter que l’Insee prend le temps de préciser que les deux tiers des 107 000 emplois nets créés au quatrième trimestre 2021 sont dans l’intérim. La Dares [direction des études du ministère du travail] rapport par ailleurs que les contrats d’intérim en 2021 ont été d’une durée moyenne de deux semaines. A ce rythme, en moyenne sur un trimestre, il faut huit contrats d’intérim signés pour obtenir un volume d’un seul emploi, en équivalent temps plein.
Ce qui nous amène au deuxième plan : le temps de travail des personnes recrutées. La notion d’emploi retenu par l’Insee recouvre des situations très disparates, qui vont de la personne embauchée à temps complet à celle qui ne décroche qu’un « bout d’emploi ». En effet est considéré en emploi une personne ayant travaillé « au moins une heure rémunérée » sur la période… Ou, il existe une manière classique, en statistiques, de tenir compte de ces durées très variables du temps de travail : raisonner en équivalents temps plein (ETP). Ce qui n’est pas fait dans ces récentes annonces de création d’emplois… Tenir le compte du temps de travail est donc essentiel pour saisir les évolutions réelles de l’activité.
Défi pour la démocratie
De deux choses l’une. Soit l’Insee possède l’information sur le nombre d’heures de travail créées, neutralisant ainsi l’effet de durée du travail. Ce devrait être le cas puisqu’elles sont disponibles dans les « déclarations sociales nominatives » [DSN, déclarations des entreprises sur la situation de chaque salarié]. Le fait que l’Insee ne communique pas sur ce point pose problème à quelques mois de l’élection présidentielle et interroge l’indépendance dont l’Institut se réclame tant. De ce point de vue, l’avertissement sibyllin contenu dans la « note flash » sur la définition d’emploi retenu n’y change rien.
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