« Où est-ce que ça s’est mal passé ? », demande Franck Refouvelet, élu CGT Orange dans le Cantal. Le 15 octobre, un homme de 30 ans a été électrocuté par une ligne moyenne tension à Talizat (Cantal), alors qu’il travaillait sur une ligne téléphonique située juste en contrebas.
Ce chantier se distingue par une situation incroyable de sous-traitance en cascade : Orange sous-traite les travaux à Eiffage, qui lui-même sous-traite à un sous-traitant, qui sous-traite à une entreprise du Val-d’Oise d’où était originaire la victime. « On peut donc se poser des questions sur les conditions d’intervention de ces personnes. Je ne suis pas sûr qu’on se rende compte des conditions de travail des sous-traitants d’Orange »insiste l’élu, qui met en lumière un accident mortel similaire survenu en février dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Six cent quarante-cinq salariés du secteur privé sont décédés dans un accident du travail – survenu du fait ou à l’occasion du travail – en 2021, dont la moitié des suites d’une maladie, révèle le dernier bilan de la Caisse nationale de santé assurances (CNAM) publié jeudi 17 novembre. C’est moins qu’en 2019, mais plus qu’en 2017 ou 2018.
48,5 millions de jours de repos
Après des décennies de progrès, les chiffres baissent moins vite depuis 2013 : la CNAM a dénombré 604 565 accidents du travail dans l’année (trente et un avec arrêt et/ou incapacité pour 1 000 salariés). C’est 12 % de plus qu’en 2020, 8 % de moins qu’en 2019 (656 000) et un niveau similaire à 2013 (618 850). La baisse entre 2019 et 2020-2021 est liée au recours au chômage partiel et au télétravail, précise la CNAM. Dans la construction, les transports ou l’agriculture, les accidents sont plus fréquents.
Autre facteur d’inquiétude, le taux de gravité des accidents est au plus haut depuis 2010 : 48,5 millions de jours d’arrêt ont été pris suite à un accident du travail en 2021. Cela équivaut à plus de 200 000 salariés interpellés tout au long de l’année. Déjà considérables, ces chiffres ne concernent que les 19,5 millions de salariés du secteur privé.
La gravité des accidents touche plus les salariés âgés que les jeunes, mais moins fréquemment, selon une analyse du ministère du Travail publiée en novembre. Les accidents graves et mortels touchent davantage les travailleurs, victimes de 1 813 accidents graves et 46 accidents mortels par milliard d’heures rémunérées en 2019, contre respectivement 259 et dix pour les cadres.
Un vrai « fait social » pour la sociologue et enseignante-chercheuse à l’École des hautes études en santé publique, Véronique Daubas-Letourneux : « Le travail reste dangereux, et le risque d’accident du travail est très inégalement réparti. Elle est le reflet d’une organisation du travail où les risques persistent : le travail s’intensifie. »
Il vous reste 56,11% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.