En voulant relever l’âge légal de la retraite à 65 ans, Emmanuel Macron relève un formidable défi : celui de l’emploi des seniors. La France représente un contre-exemple – ou un anti-modèle – dans ce domaine, avec un pourcentage de sexagénaires actifs qui est parmi les plus bas des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une situation identifiée depuis longtemps mais que les gouvernements successifs, malgré des professions de foi dynamiques, n’ont pas vraiment prise de front – y compris au cours du premier mandat de cinq ans du président réélu.
Les chiffres donnent un aperçu de l’ampleur de la tâche. Certes, la proportion d’aînés ayant un emploi a augmenté au cours des deux dernières décennies. Au quatrième trimestre 2021, 56,1% des personnes âgées de 55 à 64 ans occupaient un poste, soit 18,4 points de plus qu’au cours des trois premiers mois de 2003, selon une note de Dares – la direction en charge des études au ministère du Travail. Cette augmentation est en grande partie due aux mesures prises au cours des deux ou trois dernières décennies pour retarder l’âge de la retraite et restreindre les régimes de retraite anticipée (retraite anticipée, en particulier).
Mais la situation est très disparate, si l’on regarde de plus près les statistiques. Ainsi, seulement 35,5% des femmes et des hommes âgés de 60 à 64 ans travaillaient dans un métier en 2021, selon Dares. Ce pourcentage augmente depuis le début du XXIee Siècle, mais les données les plus récentes pour les comparaisons internationales montrent que la France est en queue de peloton : en 2019, le taux d’emploi pour ce groupe d’âge (60-64 ans, donc) était de 32,7 %, contre 70 % en Suède, 61,8 % en Allemagne et 52,4 %, en moyenne, au niveau des États membres de l’OCDE.
Autre gros point noir : de nombreuses personnes en fin de carrière traversent des périodes plus ou moins longues de chômage ou d’inactivité avant de pouvoir prétendre au versement de leur pension. Ainsi, sur la période 2018-2020, la part des femmes et des hommes âgés de 61 ans qui ne sont ni employés ni retraités était de 27,67 % en moyenne, contre 15,2 % sur la période 2013-2015, selon les statistiques fournies par le Conseil d’orientation des pensions (CDR).
Une sorte de pacte tacite
« Il y a un décalage entre l’âge auquel les gens quittent le marché du travail et l’âge auquel ils demandent le paiement – ou le paiement – de leur pension : le premier dépasse à peine 60 ans en moyenne, tandis que le second a un peu plus de 62 ans », explique Anne-Marie Guillemard, professeur émérite de sociologie à l’Université de la Sorbonne Paris-Descartes. Un tel écart, explique-t-elle, est dû au fait que de nombreux employés cessent de travailler de façon permanente, une fois qu’ils atteignent l’âge de soixante ans, mais doivent attendre un certain temps avant de faire valoir leur droit à la retraite, car ils ne remplissent pas les conditions requises. « Il ne faut pas perdre de vue que 42% des personnes qui paient leur pension n’ont déjà plus d’emploi, ayant quitté le marché du travail pour diverses raisons »dit Anne-Marie Guillemard. Dans certains cas, ils sont au chômage depuis un ou plusieurs ans; dans d’autres, ils sont en situation de handicap ou reçoivent un minimum social…
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