La nuit est encore noire en ce matin de mi-novembre. Des lampadaires illuminent les rues désertes. Ou presque. Derrière la mairie de Puteaux (Hauts-de-Seine), résonnent les éclats de voix des hommes et des femmes de nettoyage des bâtiments communaux. Habituellement, à 6 heures du matin, leur journée a déjà commencé. Mais ils sont en grève depuis quatre jours déjà. Car Arc-en-ciel Ile-de-France ouest 2, le sous-traitant qui les emploie, a une semaine de retard sur le paiement de leurs salaires.
« Le travail n’est pas gratuit ! »lance une femme. « C’est au moins la troisième fois que cela se produit cette année. Du coup, ils se sont fait pirater, du coup, c’est un problème informatique… Il y a toujours une bonne raison ! Mais chaque virement rejeté sur mon compte me coûte 20 euros ! »inquiète un employé. « En plus, il y a toujours des heures manquantes sur la fiche de paie »se lamente un autre. « Et certains travaillent moins que le minimum autorisé ! », ajoute son voisin. Ils sont une quarantaine d’hommes et de femmes, pour la plupart immigrés.
A quelques kilomètres de là, un autre piquet sur le site Pierre-Mendès-France de l’université Paris-I, aussi appelé Tolbiac. Agents de nettoyage avec le même profil. En poste chez Arc-en-ciel Environnement, autre filiale du même groupe, dans le cadre d’un marché public passé par l’université.
Pas de salaire non plus. Les heures supplémentaires manqueraient également sur les fiches de paie (on parle d’heures « supplémentaires » lorsque le salarié travaille à temps partiel), là aussi on prolongerait les CDD sans signature de contrat. C’est le licenciement pour « faute grave » de Sivamohana, un superviseur de 59 ans, le 28 octobre, qui les a décidés à arrêter de travailler. Employée sur le chantier depuis cinq ans, tout dégénère, selon elle, quand Arc-en-ciel décroche le contrat début 2021.
Dans le monde du nettoyage, lorsqu’une entreprise remporte un appel d’offres, la convention collective prévoit qu’elle reprend les salariés de l’entreprise sortante, déjà présents sur le site. Ces travailleurs sont donc habitués à changer d’employeur tous les trois ou quatre ans. Et de comparer les pratiques.
Main courante pour le harcèlement
« Rainbow fait beaucoup de bêtises…, glisse un employé à Puteaux. Les entreprises que nous avions avant étaient plus corrects. » A Tolbiac, Sivamohana estime avoir payé son opposition à un projet de réduction de l’équipe du soir (18h à 22h) de douze à neuf personnes.
« Pour moi, il était impossible de faire le travail demandé avec trois de moins. À partir de là, ils n’ont cessé de créer des problèmes, en modifiant mes horaires par exemple. J’ai fini le vendredi à 22h et j’ai dû revenir le samedi à 6h du matin. Même pas le temps de repos légal ! » Elle dit avoir déposé une main courante pour harcèlement en juillet. Rainbow lui a dit au début de son transfert vers un autre site. Ce que Sivamohana a refusé. Son licenciement pour « faute grave » a suivi.
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