Ce sont de futurs pâtissiers, boulangers ou bouchers, menuisiers ou logisticiens. Ils sont maliens, guinéens ou ivoiriens. Et sont menacés d’expulsion. Ces jeunes adultes, étudiants en filière professionnelle et soutenus par leurs professeurs, employeurs ou associations, estiment pourtant être pleinement engagés dans des démarches d’insertion. A l’heure où de nombreux secteurs économiques font état de difficultés de recrutement, comme l’hôtellerie-restauration ou le bâtiment, ces situations sont préoccupantes.
Moussa (il n’a pas souhaité donner son nom de famille) est titulaire d’un CAP de peintre et d’un CAP de couvreur, obtenus au lycée Jean-Monnet de Montrouge (Hauts-de-Seine). Ce Malien de 21 ans, en France depuis cinq ans et hébergé par une tante française, a demandé une carte de séjour, mais s’est vu délivrer en janvier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) par la préfecture du département. » Je ne comprends pas, il confie au Monde. J’ai fourni tous mes rapports, chaque fois avec des encouragements ou des félicitations. Un patron voulait m’embaucher mais [à cause de l’OQTF], il ne pouvait pas. » Moussa a fait appel et, entre-temps, il s’est inscrit à un CAP de plâtrier pour la rentrée de septembre.
Toujours dans les Hauts-de-Seine, un autre Malien, également prénommé Moussa et titulaire d’un bac professionnel en électricité, est lui aussi dans l’obligation de quitter le territoire depuis mars. Pris en charge par l’aide sociale à l’enfance entre 2017 et 2021, Moussa, aujourd’hui âgé de 21 ans, est accompagné d’un patron avec qui il a déjà effectué plusieurs contrats à durée déterminée. « Je ne comprends pas pourquoi j’ai une OQTF, j’en souffre beaucoup », il a dit.
« Situations ubuesques »
Dans ce département francilien, ces situations se multiplient, selon Armelle Gardien, du Réseau Éducation sans frontières (RESF). « Cette question absorbe la quasi-totalité de nos efforts, elle témoigne. Depuis 2021, nous accompagnons quatre-vingt jeunes bénéficiaires d’OQTF. Mais le problème est général. »
Ainsi, dans la Marne, Marie-Pierre Barrière, enseignante de français et membre du RESF, compte près d’une trentaine de jeunes menacés d’expulsion et soutenus par l’association. Elle évoque le cas de Maurice Tolno, un Guinéen de 20 ans titulaire d’un CAP de cuisinier et déporté le 3 juillet à Conakry. « Il travaillait dans un restaurant à Amiens, le patron le trouvait excellent et voulait l’embaucher en CDI », souligne la militante, qui précise qu’une OQTF avait été prise à son encontre par la préfecture de l’Aisne, « sous prétexte d’incohérences dans son récit de vie lors de son bilan de minorité auprès de la protection de l’enfance ».
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