« Phoenix, pour que chacun ait sa maison. » Ce slogan publicitaire qui a marqué les années 1970 a fait du groupe Geoxia, constructeur des célèbres maisons Phénix, un symbole de l’accès de masse à la maison unifamiliale. Son modèle s’est effondré. Le tribunal de commerce de Nanterre a placé quatorze sociétés sur les dix-sept du groupe en liquidation judiciaire, mardi 28 juin, faute d’offres de repreneurs pour son activité.
« J’y ai cru jusqu’à la dernière minute, c’est un peu comme si le sol s’effondrait sous mes pieds », a réagi Lucy Grolleau, secrétaire du comité social et économique (CSE) de l’entreprise. Liquidation « prend effet immédiatement »elle a ajouté, « J’ai demandé à tous les salariés de quitter leur lieu de travail ». Geoxia, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 252 millions d’euros en 2021, employait près de 1 150 personnes.
« Une nouvelle audience est prévue le 5 juillet pour examiner la poursuite d’activité des usines Geoxia pendant trois mois, afin de produire les pièces utiles aux projets en cours », a détaillé le groupe dans un communiqué. L’AGS (régime de garantie des salaires) « saisie du dossier, afin que les salariés de Geoxia puissent recevoir rapidement ce qui leur est dû »ajoute le groupe.
Le grand plan de licenciements, qui cible les entreprises de plus de 200 salariés, a été activé, a expliqué Bercy, « pour aider les employés à trouver un emploi dans un secteur connu pour être en forte demande de main-d’œuvre ».
Faute d’accès au financement bancaire, après des difficultés initiales à la fin des années 2000, la direction de Geoxia a frappé à la porte du ministère de l’Économie pour exiger 70 millions d’euros. Elle s’était opposée à la levée de l’irrecevabilité.
« L’État ne peut pas financer seul les pertes passées et futures, sans aucun actionnaire. Il peut accompagner un repreneur mais ne peut se substituer à un actionnairea décidé Bercy. L’absence de repreneur est en effet le signal des difficultés structurelles de l’entreprise. »
Inquiétude pour les chantiers en cours
Cependant, les travaux en cours doivent être achevés. « Phoenix a 300 maisons à terminer », ce qui représente trois mois de travail, a assuré Fernando Cabete Neves, délégué syndical CFTC. Les trois usines de l’entreprise, qui fabriquait elle-même les dalles et charpentes de ses maisons, ont obtenu un sursis : l’Etat a décidé de financer leur poursuite d’activité pour mener à bien les chantiers en cours, a signifié le ministère de l’Economie à l’Agence France- Presse.
Pour les chantiers ouverts, les assureurs prendront le relais, a précisé Bercy, en recrutant de la main-d’œuvre et en prenant en charge les pénalités de retard et les surcoûts. « Ce sont eux qui contacteront les assurés dans les prochains jours pour les tenir informés des prochaines étapes pour mener à bien leurs travaux »poursuit le ministère.
Modèle économique fragilisé
Créée en 1946, Maisons Phénix s’est développée en France grâce à un modèle standardisé de maison individuelle, rapide et peu coûteuse à construire. Le groupe fabriquait ses charpentes dans ses propres usines, puis les charpentes métalliques, apportées prêtes à l’emploi sur les chantiers. Il avait connu les premières difficultés à la fin des années 2000, qui lui avaient coupé l’accès au financement bancaire.
« C’est un peu un choc dans le monde de la construction, car c’était la marque la plus connue, mais les mésaventures de Geoxia ne sont pas forcément représentatives du marché de la maison individuelle ces dernières années »a réagi Damien Hereng, président de la Fédération des constructeurs de maisons individuelles.
La hausse des prix de l’immobilier et le tarissement des aides à l’accession à la propriété, qui ont éloigné les ménages modestes de l’achat immobilier, l’ont privé de son cœur de cible. Et le groupe n’a pas réussi à monter en gamme à temps. La crise sanitaire, puis la guerre en Ukraine, ainsi que la flambée des prix des matières et de l’énergie qui les accompagnaient, lui ont porté le coup fatal.
« Avec les contraintes de construction qui se sont ajoutées année après année, la flambée des prix des matériaux et la hausse des prix des terrains, le client moyen qui achète une maison aujourd’hui est sensiblement différent de celui qui l’a achetée. il y a cinq ou six ansrésume Damien Hereng, président de la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles.