Le chômage des jeunes, qui a atteint un niveau record en mai, à 18,4 %, peut-il déstabiliser le pouvoir ? Ces derniers mois, le Premier ministre Li Keqiang a soulevé la question au moins cinq fois lors de réunions, appelant le gouvernement et les autorités locales à « stabiliser » la situation de l’emploi. Affectée par la crise immobilière et par la politique du zéro Covid, maintenue coûte que coûte par les autorités, la croissance chinoise devrait atteindre son plus bas niveau depuis le début des années 1990, autour de 4%, loin des prévisions officielles de 5,5%. .
La dernière fois que la Chine a connu un chômage de masse, après des licenciements massifs dans le secteur public à la fin des années 1990, une poussée d’activité peu après a permis d’absorber rapidement les chômeurs. Lors de la crise de 2008, l’État est intervenu avec un plan de relance massif, permettant à nouveau à l’activité de reprendre rapidement. A chaque fois, le chômage des jeunes avait été réduit encore plus rapidement. Mais aujourd’hui, avec le ralentissement structurel de la croissance, la donne a changé. Et le pays risque d’être confronté à un chômage de longue durée.
Avec quel impact sur la jeunesse ? « En général, les jeunes ne restent pas très longtemps au chômage. Deuxièmement, ils ont tendance à s’appuyer sur leurs propres forces, plutôt que de se tourner vers l’État : la plupart ont rejoint la compétition »souligne Chloé Froissart, professeur de sociologie politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales, spécialiste des mobilisations sociales en Chine.
« La répression s’est renforcée »
En effet, les jeunes chômeurs contactés par Le monde ont tendance à se considérer responsables de leur situation : « J’étais moins motivé que les autres étudiants, je n’ai pas envoyé beaucoup de CV », estime M. Wang (il ne donne pas son prénom), un jeune qui a passé huit mois sans emploi, en 2021, après sa sortie de l’université. Pourtant, il avait envoyé plus d’une centaine de candidatures et passé vingt entretiens avant de trouver un employeur.
La mobilisation des jeunes chômeurs est d’autant moins probable qu’ils sont par définition isolés à la sortie de l’université, contrairement aux ouvriers d’usine par exemple qui peuvent se fédérer au sein de leur entreprise. Ce fut le cas à la fin des années 1990, en signe de protestation contre les licenciements massifs dans les entreprises d’État. Surtout, les possibilités de mobilisation ont été drastiquement réduites par le durcissement du contrôle sur la société, avec de lourdes sanctions pour les manifestants.
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