jees débats suscités par la réforme des retraites ont eu l’immense mérite de sensibiliser une grande partie de l’opinion publique et des responsables politiques à l’ampleur de la crise du travail. Certains députés de la Renaissance le reconnaissent à voix basse : il aurait fallu commencer par traiter cette question avant d’ouvrir le site des retraites. Le gouvernement explique aussi qu’il place désormais le travail au sommet de ses priorités. Mais en apportant quels remèdes à la crise ? Essayons donc d’esquisser le programme de transformation suggéré par les données de l’enquête.
Depuis 1978, une remarquable enquête est consacrée en France à une analyse approfondie des conditions de travail. Soutenue par la direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares), elle s’intéresse désormais à un échantillon représentatif de 25 000 salariés. Les ministres du travail disposent ainsi d’un formidable outil de contrôle du rapport au travail de nos concitoyens.
La vague 2005 de l’enquête a révélé une pause dans l’intensification du travail ; celle de 2013 avait montré l’immense malaise des fonctionnaires de l’Etat et aurait dû jouer le rôle d’alerte sur les conditions de travail dans les hôpitaux – plus de 36% des fonctionnaires hospitaliers ont en effet déclaré « ne pas être fier du travail bien fait ».
« Affaiblissement du dialogue social »
Mais les résultats de la vague 2019 de l’enquête sont encore plus instructifs : 37 % des actifs occupés déclarent ne pas se sentir capables de conserver leur emploi jusqu’à la retraite ! Toutes les catégories sociales étaient concernées puisque 32 % des cadres et 39 % des ouvriers et employés étaient dans ce cas. Les moins de 30 ans et les femmes, notamment les femmes avec enfants, sont les plus touchées.
Mais ne serait-ce pas un simple sentiment, une opinion teintée de subjectivité qui confirmerait le caractère grincheux et jamais satisfait des Français ? Le fait que la France remporte le triste palmarès européen en matière d’accidents du travail – mortels et non mortels – confirme au contraire que la crise est là, et qu’elle est grave. Alors quels remèdes pouvons-nous proposer ? Il est important de s’appuyer sur des travaux scientifiques et des rapports d’évaluation pour nous aider à les concevoir.
Parmi les mesures inscrites dans les ordonnances réformant le droit du travail ratifiées en mars 2018 par le Parlement figuraient, d’une part, la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la fusion des représentants du personnel des établissements, d’autre part , la suppression de quatre critères de pénibilité.
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