Un simple salarié peut-il défendre l’intérêt général ? C’est la question que pose l’histoire de Maureen Kearney, digne d’un roman d’espionnage, racontée dans Le syndicalistede Caroline Michel-Aguirre (Stock, 2019) et interprétée par Isabelle Huppert, dans le film de Jean-Paul Salomé qui sortira en salles ce mercredi 1euh Mars. L’ex-secrétaire du comité de groupe européen d’Areva est le lanceur d’alerte qui avait dénoncé un contrat prévoyant un transfert massif de technologies vers la Chine.
« Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, une menace ou une atteinte à l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union, de la loi ou des règlements », précise la loi Waserman, adoptée en 2022 pour renforcer leur protection. Mais a-t-il vraiment une marge de manœuvre ?
A écouter les témoignages de ceux qui ont dévoilé les scandales d’évasion fiscale chez UBS, la Dépakine chez Sanofi ou celui d’Areva, les pressions sont considérables pour réduire leur pouvoir d’action. « Plusieurs personnes avaient tenté de m’arrêter dans mon rôle, jusqu’à quelques jours avant l’agression. J’avais l’intention de porter plainte pour harcèlement moral, mais je n’ai pas eu le temps.témoigne Maureen Kearney.
En 2012, elle est sauvagement agressée dans son appartement, quelques jours après avoir voté la saisine de la justice de son PDG, Luc Oursel, pour non-consultation du comité de groupe sur la stratégie d’Areva. À l’époque, les dénonciateurs n’avaient aucune protection. Elle dit : « J’étais dans ma salle de bain, quelqu’un est entré, m’a mis une cagoule sur la tête, m’a ligotée, a baissé mes collants et a commencé à me couper le ventre. À ce moment-là, j’ai perdu connaissance. Après, il m’a violée en me disant que c’était était le dernier avertissement. »
Elle a évidemment porté plainte pour viol. Résultat : classement sans suite. « J’ai été protégé pendant trois semaines par des gendarmes chez moi. Ensuite, j’ai été considéré comme fou. » Mise en examen pour « crime imaginaire », Maureen Kearney sera finalement innocentée en appel. Avertissements, menaces, puis mises en examen ou encore agressions continuent d’être le modus vivendi subi par les lanceurs d’alerte en 2023, comme en 2012.
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