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La route étroite et sinueuse reliant Katmandou au district de Dhanusha, dans l’est du Népal, est encombrée de bus et de camionnettes obsolètes. les premiers ramènent des ouvriers au village, les seconds portent sur leur toit des chèvres apeurées qui seront bientôt sacrifiées. Fin septembre, le pays s’apprête à célébrer Dashain, la plus grande et la plus longue des fêtes hindoues. En quelques heures, 1,4 million de personnes ont quitté la capitale pour rejoindre leurs familles et prier la déesse Durga, symbole de la victoire du bien sur le mal, qui peut assurer la prospérité. L’occasion pour les familles séparées de se retrouver autour de mets délicieux, de embellir les maisons, de s’acheter de nouveaux vêtements. La plupart des ménages comptent au moins une personne qui est allée travailler, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
Après six heures de virages serrés en montagne, le paysage change radicalement. Le district de Dhanusha, à la frontière avec l’Inde, est la seule partie plate du petit pays himalayen. Dotée d’une végétation tropicale, la vallée plate est encore accablé, à cette période de l’année, par des températures torrides. Ce n’est pas la région la plus pauvre, mais c’est d’ici que le plus gros contingent de travailleurs népalais est parti pour le Qatar ces dernières années.
Depuis 2010, année où l’émirat a été choisi pour accueillir la Coupe du monde 2022, des centaines de milliers de Népalais sont allés y travailler. Les chantiers ne manquaient pas : il fallait construire ou rénover huit stades, mais aussi toutes les infrastructures afférentes, routes, autoroutes, métro, hôtels, villes nouvelles… Réputés bons ouvriers, peu coûteux, car non qualifiés. , les travailleurs népalais se voyaient confier les tâches les plus difficiles, les plus dangereuses.
Budhan Pandit, un paysan, était l’un d’entre eux. Il venait de Rupaitha, un village agricole sans charme de Dhanusha, à une vingtaine de kilomètres de la frontière indienne. Il a travaillé dur pendant quatre ans sur différents sites de Coupe du monde. Le travailleur népalais est revenu dans un cercueil. C’était il y a douze mois. Sa veuve, Urmila, 35 ans, prostrée sur les marches de sa maison, laisse son plus jeune fils, Dinesh, raconter leur calvaire. La dernière fois qu’elle a vu son mari, c’était quelques secondes avant sa mort.
« Ma mère était au téléphone avec lui, en visio, confie l’adolescent. C’était l’heure de sa pause. Il travaillait sur la construction d’une piste d’atterrissage à l’aéroport international Hamad de Doha. Il était assis devant un bulldozer, ce qui inquiétait ma mère. Mais il lui avait dit : « Ne t’inquiète pas, tout le site est à l’arrêt. » » Le couple discutait des problèmes de santé d’Urmila, sujette aux évanouissements, quand soudain un nuage de poussière envahit l’écran. Puis plus rien. Après deux jours d’angoisse, un collègue lui annonce la nouvelle : son mari a été écrasé par le bulldozer, tué sur le coup. C’est un oncle qui a rapatrié le corps deux semaines plus tard. Seul le coffre est resté.
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