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Le livre . Quand on regarde le manque de reconnaissance dont se plaignent les salariés, une chose saute aux yeux : il est plus prononcé en France que dans de nombreux pays étrangers. « Vingt points de plus qu’en Grande-Bretagne et plus de trente points de plus qu’en Allemagne ou aux Etats-Unis »explique Philippe d’Iribarne, citant une étude sur le sujet.
Pour comprendre cette spécificité hexagonale, et plus largement l’importance du sentiment de perte de sens qui peut toucher les salariés français, la sociologue a souhaité s’intéresser à leur rapport au travail. Quelle place prend-elle, au sein de l’entreprise, mais aussi hors ses murs, dans la société ? Son travail, Le grand déclassement (Albin Michel) se présente comme une recherche des origines de « malaise actuel ».
L’auteur part d’un constat : « La position que l’on occupe dans la société (…) doit beaucoup au caractère plus ou moins noble des fonctions qu’on exerce, à la formation qu’on a reçue. » Bref, présenter son métier en France, ce n’est pas seulement évoquer son activité professionnelle, c’est aussi se définir dans son espace social, et affirmer son rang.
Dans son essai, M. d’Iribarne remonte les siècles pour expliquer la force et l’ancrage d’une telle démarche. Elle montre aussi son perpétuel renouvellement : « La création, au milieu du XXe siècle, de la catégorie si typiquement française des « cadres » constitue une parfaite illustration de ce mouvement d’invention de catégories aussi ardentes à défendre leur autonomie vis-à-vis de la hiérarchie que la grandeur de leur État. »
Autonomie restreinte
Problème : les transformations contemporaines qui secouent le monde des affaires menacent l’édifice ainsi constitué. La dégradation du sens du travail dans notre pays trouve ainsi sa source en grande partie dans « l’évolution des modes de délégation et de contrôle, le poids des procédures et de la bureaucratie, le sentiment de sous-utilisation des compétences et des capacités d’initiative ». Au fil des années, l’autonomie, si importante pour de nombreux salariés français, s’est restreinte.
Beaucoup d’entre eux ont ainsi le sentiment que leur marge de manœuvre dans l’application des tâches s’est réduite, que ce qui constitue « l’honneur du métier » était menacée par le risque criminel grandissant (chez les pompiers par exemple). Le sentiment de déclassement et de manque de reconnaissance professionnelle le guette, alors qu’il « il y a eu un développement vertigineux de l’enseignement supérieur, bien au-delà de la croissance du nombre de postes perçus comme dignes d’être occupés par ses diplômés ». Une bonne partie des cadres vit depuis plusieurs décennies dans une forme de déchéance, appuie M. d’Iribarne.
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