Jean-Baptiste de Peretti se lève tôt. Et le jour, peu avant lui. Au volant de son pick-up, l’esprit encore duveteux, il descend le long de son vignoble qui s’étend sur 15 hectares vallonnés. Dans les contreforts du splendide massif montagneux de l’Omu di Cagna, en Corse-du-Sud, il détaille les vignes qu’il a commencé à planter en 2013 et qui sont agitées par un vent timide venu de la mer.
Entre les rangs des plus jeunes vignes, le vigneron de 52 ans salue ses deux ouvriers agricoles marocains, Abdou et Morad (ils ont requis l’anonymat). Pendant 6 heures, les deux hommes se sont occupés d’installer un système de goutte à goutte qui va rafraîchir la vigne en herbe. Il n’a pas plu depuis trois mois à Figari. Chemin faisant, Abdou et Morad se baissent pour fixer les gardiens des pieds encore frêles, d’un geste répétitif. Enfin, ils arrachent à la main les quelques mauvaises herbes encore accrochées au sol granitique qui vient d’être labouré. En un rien de temps, il fera plus de 30°C sous le soleil.
UN « travail difficile », concède Jean-Baptiste de Peretti. Sûrement une des raisons pour lesquelles le domaine a du mal à recruter des saisonniers. Ici comme ailleurs, la main d’œuvre se fait rare alors, comme d’autres avant lui, M. de Peretti s’est tourné vers le Maroc pour embaucher.
tradition familiale
En 2022, un nombre croissant d’employeurs ont fait venir des travailleurs saisonniers de l’étranger. Ainsi, la Direction générale des étrangers en France (DGEF) a déjà délivré 22 000 autorisations de travail saisonnier, soit deux fois plus qu’en 2021. Cette croissance s’explique par « la levée des contraintes sanitaires et les tensions accrues sur le marché du travail »précise la DGEF.
M. de Peretti s’est rendu dans le vignoble de Meknès en janvier 2019. Il souhaitait sélectionner sur place des saisonniers qui avaient « une vraie connaissance de la vigne » pour son exploitation labellisée AOC et en conversion biologique. Là, il rencontre une douzaine d’ouvriers, et parmi eux, Morad. Le patron corse a demandé au Marocain de reculer le tracteur et l’affaire a été conclue.
Après trois saisons, Morad, 38 ans, a signé un CDI à temps plein au domaine Peretti della Rocca. « C’est quelqu’un de très important pour moi »insiste le vigneron. « Jean-Baptiste est comme une famille », lui rend l’ouvrier. Maintenant qu’il est en Corse toute l’année, Morad aimerait amener sa femme et ses quatre enfants. Pour cet homme, la migration fait partie d’une tradition familiale. Issu d’une famille de quatorze enfants, il a un frère ouvrier agricole comme lui en Haute-Corse, deux frères mécaniciens et camionneurs sur le continent, un autre frère dans le BTP en Espagne et encore un autre qui travaille comme coiffeur. aux Pays-Bas. Deux frères qui font les saisons agricoles en Corse complètent cette diaspora.
Il vous reste 58,08% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.