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La maison est affichée au bord de la route principale, qui traverse presque toute la ville de Bouconville. Petit passage sur ce départemental, tracé au milieu de vastes étendues agricoles : sauf pour visiter l’un des cinquante habitants de ce village des Ardennes, « il n’y a aucune raison de venir ici »note Sophie Limousin, 28 ans, qui tend une tasse de thé à son amie assise à la table du salon. Amis depuis le lycée de Vouziers, à vingt kilomètres de là, Laurine Piekarek et elle déjeunent régulièrement ensemble. Ils s’étaient un peu perdus de vue pendant leurs années scolaires. L’un n’avait jamais envisagé un départ temporaire, l’autre rêvait de quitter la région pour de bon. Tous deux se sont retrouvés ici, à la campagne où ils ont grandi.
Leur trajectoire reflète celle de nombreuses jeunes femmes qui ont grandi à la campagne ou dans de petites villes. Plus encouragées que leurs homologues masculins à étudier, et donc à aller dans les grandes villes, les jeunes femmes des petites ou moyennes villes sont également plus susceptibles de revenir s’installer sur leur territoire d’origine. C’est la conclusion d’une étude publiée dans la revue Travail, genre et sociétés (n° 46, La Découverte, 2021), réalisée par les sociologues Elie Guéraut et Fanny Jedlicki, chercheurs associés à l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED), à partir d’une série d’interviews et de données issues du recensement de 2013 et de la plateforme de distribution dans l’enseignement supérieur Admission post-baccalauréat de 2015.
« Les jeunes femmes obtiennent de meilleurs résultats à l’école que les garçons : le plus souvent avec un baccalauréat, elles vont ensuite chercher le diplôme là où il est »dit Fanny Jedlicki. Localement, elles font face à une offre de formation plus limitée, avec de rares cours dits « féminins », et sont plus susceptibles d’aller à des pôles universitaires. Mais pour eux, le départ est souvent en d’autres termes que pour les jeunes hommes qui font aussi le pas vers la grande ville. « Ils sont confrontés à une double injonction, celle de quitter leur ville d’origine pour étudier et celle de continuer, malgré tout, à investir les liens de proximité »dit Elie Guéraut.
Certains d’entre eux adaptent ensuite leur choix de formation à « l’espace local des possibilités », observe la doctorante Perrine Agnoux, qui suit les parcours des jeunes femmes en Corrèze, et notamment des étudiantes du baccalauréat professionnel « assistance personnelle », un secteur de l’avenir d’un département du vieillissement. « Le départ pour la ville, pour acquérir une autre qualification, est vécu par beaucoup comme un sacrifice temporaire avant le retour »souligne-t-elle.
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