Livré. Tout commence par une promesse. C’est un travail qui offre une indépendance et une flexibilité qui vous permet de maîtriser votre emploi du temps, ainsi que le niveau de votre rémunération, loin du monde du salarié et des figures du patron et du manager. Loin de ces images véhiculées par les plateformes numériques, la réalité des coursiers, chauffeurs ou nettoyeurs qui y travaillent est bien différente.
On le mesure à la lecture de l’ouvrage collectif Uberisation et après ? (Editions du Détour), qui met en lumière leur quotidien. Coordonné par le sénateur communiste Pascal Savoldelli, l’essai réunit des experts du domaine (sociologues, acteurs, élus, etc.) pour analyser la montée en puissance d’Uber et autres Deliveroo.
Le sociologue Dominique Meda fait un rapide constat : « Le discours que l’auto-entrepreneuriat [statut exigé par les plates-formes pour travailler avec elles] est un havre de liberté, est un mythe, une illusion. » Au fil des pages, apparaissent des conditions de travail qui fragilisent les travailleurs. « Toute ma vie s’est organisée autour [l’] application [qui me permettait de travailler] »se plaint du coursier, soulignant la dépendance qu’il a engendrée.
Pour un statut plus protecteur
Une surveillance constante et un système de notation sont mal vus, mais aussi « contrôle algorithmique » et son « opacité ». Grâce à de nombreuses données accumulées (performance des livreurs, engagement, etc.), l’algorithme détermine qui a accès aux créneaux de livraison les plus rentables, qui se verra attribuer le plus de commandes, voire qui sera exclu du système. « L’organisation des travaux de la plateforme conduit (…) à l’usure mentale et physique prématurée des livreurs., notent les sociologues Stefan Le Ley et Fabien Lemozy. Les auteurs de l’essai mettent également en évidence les principaux inconvénients que le statut de microentrepreneur implique en termes de protection sociale.
Est-il possible de développer un tel système ? Les auteurs veulent y croire. Et ils voient dans les actes déjà posés la preuve de la possibilité d’un interrogatoire. Ainsi, des alternatives aux plateformes émergent localement et internationalement, notamment sous la forme de coopératives telles que Coursiers bordelais. Les collectifs et les syndicats semblent également protéger les travailleurs des plateformes.
Parmi les batailles à mener, l’évolution vers un statut plus sécurisant que la micro-entreprise semble être l’enjeu central. Par conséquent, les auteurs suivent avec intérêt les dernières modifications législatives. « Désormais, les décisions de justice sur le reclassement des travailleurs en salariés se multiplient dans toute l’Europe »précise Barbara Gomez, maître de conférences en droit privé à l’université d’Avignon.
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