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Leur environnement ne souffre d’aucun pas de côté. Avant d’accepter de nous dévoiler les coulisses, les jeunes pistolets financiers que nous avons approchés ont tous demandé que leur identité soit tuée. « Dire publiquement que notre entreprise ne respecte pas les 35 heures, ça peut aller très mal dans nos sens », souligne l’un d’eux, un banquier de 27 ans à Paris, plus habitué à un rythme hebdomadaire équivalent à trois fois ce quota légal. Cependant, il ne s’en plaint pas. Comme la plupart de ses jeunes acolytes travaillant dans une banque ou dans un cabinet d’avocats d’affaires, il est tout à fait prêt à » Jouer le jeu « de ces secteurs où les longues heures de travail et la forte pression restent la norme. Quitte à abandonner sa vie privée et à voir son état physique et mental souffrir.
Pourquoi consentir à ce rythme infernal ? « La situation de ces jeunes est d’autant plus surprenante qu’ils ont tout le loisir d’exercer des activités qui ne compromettent pas leur santé, puisque leurs diplômes leur permettraient de changer de métier sans menacer leur position sociale »s’étonne François Schoenberger, doctorant en sociologie à l’EHESS et à l’Université de Lausanne, qui étudie les ressorts de l’engagement dans le métier de banquier d’affaires.
Alors que le discours d’une génération souhaitant plus d’équilibre a émergé ces dernières années, ces jeunes issus de formations prestigieuses restent, eux, toujours attachés à la culture du surmenage – ou « surmenage »selon l’argot qui commence à traverser l’Atlantique – dans lequel ils voient un investissement pour l’avenir.
« Vous apprenez sur les stéroïdes, c’est exaltant. Un avocat d’affaires de 27 ans
Quentin (les prénoms des témoins ont été changés), 27 ans, dit qu’il » habitué « dormir peu. Avocat dans un grand cabinet parisien, il travaille six jours sur sept et termine régulièrement après minuit. « L’excitation créée par les dossiers permet de tenir malgré le manque de sommeilassure ce diplômé de la faculté de droit de Sciences Po Paris. Et puis on a un rythme tellement intense qu’on ne risque pas de s’endormir dans la journée. » Pour lui, accepter de telles amplitudes temporelles va de soi : « Pour obtenir la meilleure formation de la profession, il faut être sur les bons dossiers et avec les bons avocats. Peu d’entreprises combinent les deux, elles sont donc très exigeantes. Vous apprenez sur les stéroïdes, c’est grisant. »
De plus, cette intensité de travail constitue en elle-même un « élément attractif » pour ceux qui se projettent dans ces carrières, remarque François Schoenberger. « Il y a une vraie émulation, de l’adrénaline : tu es comme dans les tranchées avec tes potes »explique Naël, sorti de l’ESCP, qui a passé plusieurs années dans un « atelier » de fusions-acquisitions au rythme hebdomadaire de plus de 100 heures de travail. « Ils disent qu’ils se sont ‘pris dans le jeu’ : battre des records, être en compétition, gérer des abstractions sous contraintes de temps, ‘comme en prépa’constate la sociologue du travail Marie-Anne Dujarier. C’est ce jeu qui suscite tant de zèle chez ces jeunes, qui arrivent souvent sans vocation préalable. »
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