Lorsqu’il était ministre de l’Agriculture (2020-2022), Julien Denormandie a envoyé les prospectus des centres E. Leclerc à Michel-Edouard Leclerc chaque semaine pendant plusieurs mois. Encerclés en rouge étaient les prix au kilo de porc ou de tomates. Le politicien a ajouté son commentaire: « Pas assez cher ».
Julien Denormandie fait partie d’une cohorte de dirigeants politiques, syndicaux et professionnels intolérants aux pratiques du géant de la distribution. Et qui dénoncent à volonté, chez Michel-Edouard Leclerc, un « double langage »un « démagogie »ou même un « populisme ». Un ancien ministre l’assure : « J’ai vite compris que j’avais affaire à un vendeur d’onguent magique. »
En janvier 2022, alors que le prix de la baguette était gelé à 29 centimes d’euro dans les magasins E. Leclerc, le chef Thierry Marx s’emportait lui aussi dans une galerie de Libérer : « En baissant le prix de la baguette (…), lorsque les matières premières s’enflamment, c’est tout un secteur qui est massacré. » L’accusation est toujours la même : en prétendant défendre les bas prix et le pouvoir d’achat, Michel-Edouard Leclerc mettrait en péril des pans entiers de l’économie.
Dans un livre publié par Plon, Enquête sur Michel-Edouard LeclercMagali Picard, journaliste au LSA, magazine spécialisé dans la consommation des ménages, s’est penchée sur le parcours, les bagarres et les apparentes ambivalences de ce patron si médiatisé, » amical « Et « manipulateur ». Il propose ainsi une plongée dans les coulisses des établissements E. Leclerc, qui permet de mieux comprendre pourquoi l’homme est à la fois sous le feu constant des critiques de ses adversaires, et présenté comme « le patron préféré des Français ».
Essais multiples
Ses croisades contre les monopoles et les prix réglementés l’illustrent bien. Elle va par exemple s’opposer frontalement au lobby des pharmaciens dans les années 1980 en s’imposant progressivement comme vendeur de produits de parapharmacie, jusque-là l’apanage des officines. Les poursuites seront multiples. Mais il saura l’emporter, prenant l’opinion publique à témoin, dénonçant « les marges des pharmaciens, ainsi que les accords avec les laboratoires »rappelle l’auteur.
Au nom de la défense du pouvoir d’achat, Michel-Edouard Leclerc met en scène son insubordination, des protestations contre une réglementation injuste à ces yeux. Arrêtez d’enfreindre la loi. Au début des années 1980, il proteste contre la mise en place d’un prix unique du livre. Son signe « pratique deux prix reconnaissables à leurs étiquettes apposées sur les livres : le prix Leclerc en orange – évidemment le moins cher – et le prix Lang [correspondant à la loi] en rose « . Là encore, les procès vont pleuvoir. Mais cette fois, Michel-Edouard Leclerc ne gagnera pas.
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