Lles pieds dans le sable et l’ordinateur sur vos genoux, ou sur la table du bar face à la plage. Le travail, cette torture infligée à Adam et Ève par un Dieu en colère, peut-il accommoder la liberté et les loisirs ? Brian Chesky en est convaincu. Le patron d’Airbnb a envoyé à ses 6 000 employés, jeudi soir, le 28 avril, un courriel qui pourrait bien changer leur vie.
Convaincu que la crise sanitaire ouvre une nouvelle ère dans l’organisation du travail, il propose que tous les employés de l’entreprise puissent travailler où ils veulent. Désormais, tout le monde pourra choisir de travailler à la maison ou au bureau, de s’installer n’importe où dans son pays sans que son salaire ne change, ou n’importe où dans le monde. Pour compenser cette liberté absolue, des réunions d’une semaine auront lieu tous les trimestres.
Airbnb n’est pas la seule entreprise, notamment dans le secteur numérique, à s’organiser de cette manière. En fait, elle n’a pas beaucoup de choix. L’informaticien est une denrée rare, et s’il a décidé de tenir ses réunions Zoom depuis son bungalow à Phuket, en Thaïlande, ou sur les Ramblas de Barcelone, il sera difficile de le dissuader. Toutes les entreprises du secteur se sont adaptées à cette nouvelle situation. La firme californienne y est d’autant plus sensible que plus de 20% des locations qu’elle organise sont aujourd’hui plus d’un mois et destinées aux télétravailleurs. C’est ce qui lui a permis de traverser la crise sanitaire dans de bien meilleures conditions que les hôtels traditionnels.
Puzzle
Peu d’entreprises de cette taille sont allées aussi loin dans la liberté accordée à leurs employés. « Il y a vingt ans, les entreprises de la Silicon Valley ont popularisé des bureaux ouverts et accueillants, qui ont ensuite été adoptés par toutes les entreprises, , dit Brian Chesky. Aujourd’hui, les start-up se convertissent au travail à distance et à la flexibilité. Ce sera la façon prédominante de travailler dans les dix prochaines années. »
Mais peut-on si facilement marier la flexibilité du travail à distance et le maintien d’un collectif dans l’entreprise, l’efficacité froide des réunions Zoom et la convivialité du café du matin entre collègues ? Choisir où vous vivez ou restez sans contrainte peut résoudre de nombreux maux de tête pour trouver du travail, économiser de l’argent et concilier vie privée et vie professionnelle.
Cette évolution est le germe d’une profonde redéfinition du travail, de la vie en société, et de la destruction des structures collectives, souvent liées à l’entreprise. Les loisirs sont déjà largement à la maison, avec la télévision, la musique ou le sport; les services publics se dématérialisent, même le médecin. Et maintenant le bureau. Par quoi seront-ils remplacés pour recréer le vivre ensemble ? La liberté n’est jamais loin de la solitude. Et la solitude, l’inconfort.