« Xavier Niel a perdu le match. Laissez-nous tranquilles maintenant. » Au nom des salariés du groupe La Provence, Julia Sanguinetti, secrétaire du comité social et économique (CSE) Corse-Matin Publicité a exprimé toute son exaspération, vendredi 3 juin, lors d’une conférence de presse donnée sur le Vieux-Port de Marseille. . Encadré par les présidents des cinq autres CSE du groupe de presse, qui emploie 850 personnes sur le continent et en Corse, l’élu Force ouvrière a tenu à exprimer « colère et grande inquiétude » qui s’agitent « la grande majorité » selon elle, des employés des deux journaux.
En cause, les derniers soubresauts de l’interminable processus de vente qui dure depuis près de neuf mois et qui voit s’affronter deux milliardaires. L’armateur Rodolphe Saadé, patron de la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA CGM), dont l’offre de reprise doit être étudiée par le tribunal de Bobigny le 7 juin, et Xavier Niel, fondateur de Free (et actionnaire individuel de la Monde)déjà propriétaire de 11% du journal, qui conteste certains aspects de la procédure devant les tribunaux.
La veille, un CSE extraordinaire a été convoqué par le Président-Directeur Général de Provence, Jean-Christophe Serfati. Un rendez-vous pour alerter sur « situation financière très dégradée » et avertir de sa volonté de demander le placement de l’entreprise en procédure de sauvegarde si sa reprise n’est pas prononcée rapidement. Face aux représentants du personnel, Frédéric Avazéri, l’agent financier du groupe, a évoqué « pertes abyssales » et affirmé que les 15 millions d’euros des deux prêts garantis par l’Etat obtenus par l’entreprise, avaient été dépensés en dix-huit mois.
Il a également révélé que Provence n’assurait aujourd’hui sa trésorerie qu’en tirant sur le produit de la vente de ses murs, un jackpot de 36 millions d’euros. M. Avazéri a également confirmé que la demande de procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Marseille « entraînerait un placement sous séquestre », et donc une réinitialisation du processus de vente. L’agent juge l’hypothèse comme « péril imminent » tout en reconnaissant que M. Niel, actionnaire minoritaire, s’est engagé dans la gestion de Provence à « fournir les fonds nécessaires pour compenser ».
«Malaise avec les politiciens »
Ce CSE hors norme est intervenu alors que le processus de vente va connaître un épisode capital mardi, au tribunal de Bobigny. A 14h30, le juge-commissaire chargé de la liquidation du groupe Bernard Tapie (GBT) doit étudier en justice la proposition faite par l’armateur CMA CGM. Une offre de 81 millions d’euros pour le rachat des 89% d’actions détenues par l’homme d’affaires décédé en octobre 2021, qui a été validée par l’ensemble des CSE de Provence et de Corse-Matin, et obtenu, dans des conditions incroyables, l’agrément du conseil d’administration du groupe de presse le 9 mai. C’est cette dernière décision que conteste M. Niel, qui a déposé deux recours, dont le premier, en référé, doit être étudié le jeudi 9 juin.
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