Au Canada, perdre un emploi à Toronto, dans une ville moyenne de la Colombie-Britannique ou dans le Grand Nord canadien change la donne des chômeurs. La situation économique de son lieu de résidence détermine, en effet, son accès à l’ouverture de ses droits, le montant des indemnités perçues et la durée maximale de son indemnisation.
Chaque mois, le taux de chômage établi par l’organisme public Statistique Canada dans chacune des 62 régions économiques du pays sert de « norme d’accessibilité variable » : plus ce taux est élevé, mieux et plus longtemps l’ancien salarié sera couvert ; en revanche, s’il réside dans une région de plein emploi, il aura toutes les difficultés à faire valoir ses droits. Il devra justifier d’au moins 700 heures travaillées au cours de l’année précédente pour bénéficier de 14 semaines d’allocations lorsque le taux de chômage de son lieu de résidence est sous la barre des 6 %, alors que 420 heures lui suffiront pour 32 semaines d’indemnisation. quand il s’envole à plus de 16% dans sa région.
Une modulation en fonction de la situation du marché du travail qui semble inspirer le gouvernement français d’Elisabeth Borne qui a présenté, mercredi 7 septembre en Conseil des ministres, sa réforme de l’assurance chômage pour, notamment, répondre aux difficultés de recrutement des entreprises .
Cette notion de « exigence d’admission variable » est apparu dans le Régime canadien d’assurance-chômage – renommé » L’assurance-emploi « en 1996 – en pleine vague néolibérale. De la fin des années 1980 à 1996, les gouvernements fédéraux successifs, conservateurs et libéraux, ont adopté des réformes qui ont drastiquement resserré les conditions d’accès aux prestations, avec l’objectif affiché d’assurer l’équilibre financier du système.
« Responsabilité individuelle »
« C’est toute la philosophie de cette politique sociale qui s’est transformée »explique Pierre Tircher, co-auteur à l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (Québec) d’une proposition de réforme du système. « Nous sommes passés de bien-être à travail, d’une responsabilité collective, où l’État joue le rôle de stabilisateur économique pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs, à une responsabilité individuelle, où ceux qui perdent leur emploi dans une région en pleine vitalité économique ne sont plus garantis contre le « risque » pour laquelle il a pourtant contribué comme tout le monde. » De » généreuse « durant la période des « trente glorieuses », le programme devint, selon lui, « ultra contraignant » : elle ne couvre aujourd’hui que 30 à 40 % de la population sans emploi.
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