Avant d’être une citadelle d’ingénieurs, scientifiques des données et économistes, RTE est une entreprise « les mains dans la terre », comme le précise le président du directoire, Xavier Piechaczyk (262 500 euros de salaire brut, 80 000 euros de part variable, en 2021, selon l’agence des participations de l’Etat). Huile utilisée comme isolant dans les transformateurs. Fils électriques en cuivre. L’acier des 250 000 pylônes. Le béton des tunnels pour les lignes enterrées, notamment celles qui passent sous la mer ou sous les montagnes, devenues indispensables cet hiver pour importer l’électricité du reste de l’Europe.
Sur son 9 500 salariés, environ 4 000 travaillent dans la maintenance, les fameux « ouvriers de ligne », de jour comme de nuit, le long des lignes à haute tension (entre 63 000 et 400 000 volts). La CGT y a toujours tenu une place solide, sous la bannière de la Fédération de l’énergie, très attachée au statut des industries électriques et gazières, avec des taux de syndicalisation qui restent élevés.
Les syndicats sont durs avec la direction de RTE. « Avec l’application Ecowatt [qui donne des alertes aux consommateurs sur les risques éventuels de coupures], Xavier Piechaczyk est un peu devenu l’Olivier Véran de l’électricité », grince un syndicaliste, agacé de voir le patron de l’entreprise prendre la lumière médiatique. L’année 2022 a été marquée par un conflit social très dur autour des revendications d’augmentation de salaire.
De longues grèves, portées notamment par la CGT. « La direction est en mode bulldozer, elle ne cherche pas de compromis », critique Francis Casanova, délégué central de la CGT. Même si, après de longs mois de bataille, la direction et les syndicats se sont mis d’accord, mi-décembre 2022, sur des revalorisations salariales face à l’inflation en 2022 et 2023, à l’instar d’autres entreprises du secteur, notamment Enedis et EDF.
Une « procédure normale »
Un épisode a particulièrement marqué les esprits dans l’entreprise : le recours à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), en juillet 2022, concernant des actions de protestation dans les Hauts-de-France. Les quelque 200 minutes de l’enquête pénale, consultées par Le mondemontrent que l’entreprise a choisi d’avertir le service d’espionnage parallèlement au dépôt d’une plainte pour faits d’intrusion dans le système informatique, commis en marge d’un mouvement syndical, ayant perturbé RTE dans sa gestion des réseaux de la zone sur ces jours-ci.
Après une enquête interne particulièrement approfondie, les services de sécurité de RTE, dirigés par un général de gendarmerie à la retraite, ont identifié quatre suspects parmi les salariés. La DGSI a pris le relais : écoutes judiciaires, géolocalisation des déplacements, perquisitions par une vingtaine de policiers et techniciens scientifiques, puis un peu plus de soixante-douze heures de garde à vue pour les quatre salariés concernés. « Avec des collègues, nous nous étions organisés pour essayer de faire parler de nous puisque les canaux normaux ne fonctionnaient pas »a justifié Antoine B. devant les enquêteurs en reconnaissant les faits comme les trois autres hommes interrogés.
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