Commander une nouvelle voiture est devenu une véritable école de patience. Françoise Lafargue, enseignante retraitée des Bouches-du-Rhône, en sait quelque chose. En avril 2022, elle commande une petite Dacia Spring électrique. La livraison, avait-elle été prévenue, n’aurait pas lieu avant septembre. Début janvier, après avoir fait le siège du concessionnaire, elle a finalement appris que le véhicule, produit en Chine, était immobilisé depuis quelque temps sur un quai du port du Havre (Seine-Maritime).
Un mois et demi plus tard, il est toujours là, faute de transporteur disponible pour assurer l’ultime voyage. Françoise Lafargue, qui habite près d’Arles (Bouches-du-Rhône), s’est vu promettre son Printemps au plus tard le 16 mars. En attendant, elle lui a déjà donné un surnom qui s’impose : « l’Arlésienne ».
Au sein du groupe Renault auquel appartient Dacia, les questions logistiques sont passées au crible au quotidien par un cellule de crise qui suit à distance les déplacements de 6 000 poids lourds entre les usines et les lieux de stockage. « En plus de la crise des semi-conducteurs et de l’indisponibilité chronique des solutions d’expédition, le manque de transporteurs d’automobiles est la dernière pénurie… en attendant la prochaine », déplore une porte-parole de Renault.
Grandes remorques
Chez Stellantis, une task force a été mise en place pour prendre à bras-le-corps un dossier décrété « priorité ». L’une de ses premières décisions fut de stocker sur l’aérodrome militaire désaffecté de Lure-Malbouhans (Haute-Saône) plusieurs centaines de Peugeot et de Citroën fraîchement sorties de l’usine de Sochaux (Doubs) ou acheminées depuis les centres de production installés en Slovaquie ou en Espagne.
Cette agitation souvent futile se déroule à mesure que les coûts logistiques montent en flèche. Ils ont officiellement augmenté de 18,5 % en 2022, mais certains prix grimpent beaucoup plus vite. Pour expédier des véhicules en Allemagne ou en Suisse, la facture était multipliée par trois, selon un constructeur. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande de transport automobile, un marché d’environ 2,5 milliards d’euros en France, n’est pas nouveau.
Entre 2008 et 2018, le nombre de porte-huit disponibles, ces grandes remorques pouvant accueillir autant de véhicules, est passé de 20 600 à 17 000 unités en Europe. La faute, selon les organisations professionnelles, à la faible rémunération des opérateurs mis en concurrence par les constructeurs et à l’attrait exercé par d’autres marchés de la logistique, plus rémunérateurs.
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