Trop cher les années 50 ? C’est souvent l’un des arguments avancés par les entreprises pour justifier le faible taux d’emploi des plus de 55 ans en France – une singularité réapparue avec la réforme des retraites, que les économistes peinent encore à expliquer. Alors que les députés ont approuvé, mardi 31 janvier, lors de l’examen du projet de loi en commission à l’Assemblée nationale, la création d’un « indice supérieur » dans les entreprises pour améliorer la situation des salariés en fin de carrière, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), moins de 54 % des Français âgés de 55 à 64 ans avaient un emploi en 2020, contre 60 % en moyenne en Europe et dans l’OCDE (qui regroupe les 38 pays les plus développés), et jusqu’à 71% au Danemark.
Les chiffres révèlent aussi une réalité moins débattue : les 55-64 ans coûtent plus cher en France qu’ailleurs. Leur rémunération moyenne est supérieure de 17 % à celle des 25-54 ans, selon les données de l’OCDE, contre 11 % en Allemagne, 8 % aux États-Unis ou 3 % au Danemark. Dans certains pays, la rémunération tend même à diminuer en fin de carrière : elle diminue légèrement au Royaume-Uni et au Canada (−1 %).
En France, en moyenne, le salaire mensuel à 25 ans s’élève à environ 1.350 euros, progresse rapidement dans les dix à quinze années suivantes, puis stagne au-dessus de 2.000 euros, avant d’accélérer encore dans les dix dernières années suivantes pour culminer autour de 2.300 euros, détaille une note de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon, publiée en 2018. En carrière complète, le salaire moyen augmenterait donc d’environ 1 000 euros.
Accords de branche
Cet écart entre les salariés âgés et les autres s’est réduit ces dernières années – il était deux fois plus élevé en 2006. Mais « ces différences de salaire en fin de carrière peuvent avoir un effet sur l’emploiconfirme Hervé Boulhol, économiste principal en charge des retraites, à la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE. Les pays dans lesquels les salaires augmentent sont aussi ceux où le taux d’emploi des seniors est faible – Italie, Belgique, Grèce, Autriche… La corrélation n’est pas forcément une causalité, mais il y a quand même quelque chose de flagrant ».
Les chiffres sont cependant un peu faussants, note l’organisme. « Il y a un effet lié au profil des personnes qui quittent le marché à cet âge, confirme l’économiste Alain Trannoy, directeur de recherche à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. En France, contrairement aux États-Unis, les moins qualifiés sont ceux qui sortent les premiers. Ceux qui restent sont mieux éduqués et mieux adaptés au marché du travail. Mais ce sont aussi les mieux payés, d’où cet effet sur les salaires. » Reste à savoir pourquoi les premiers sont exclus du marché. Sont-ils jugés moins productifs – un fait très difficile à établir ? Ou est-ce une discrimination, issue de représentations stéréotypées liées à l’âge ?
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