Le Parlement a adopté jeudi 4 août le projet de loi de finances rectificative pour 2022, deuxième volet du paquet législatif visant à protéger le pouvoir d’achat, défendu par la majorité présidentielle.
Parmi les mesures les plus controversées de ce texte figure la monétisation des jours de réduction du temps de travail (RTT). A gauche, il est perçu comme un outil pour démêler les 35 heures plutôt que comme un levier pour une augmentation générale des salaires. Dans une tribune publiée dans Journal du dimancheélus, experts et universitaires déplorent « la fin de l’encadrement et des garanties collectives du temps de travail et la consécration du gré à gré laissant le salarié seul avec l’employeur ». Mais que recouvre réellement cette mesure et à qui profitera-t-elle ?
A quoi sert le rachat des journées RTT ?
D’abord proposée par la droite par une série d’amendements, la mesure vise à permettre aux salariés de convertir les jours de récupération du temps de travail non utilisé en complément de salaire. Les députés Républicains (LR) voulaient « mieux récompenser le travail et le mérite, et augmenter les salaires nets des Français », tout en aidant les entreprises « maintenir un haut niveau d’activité face aux problèmes de recrutement ».
Pour limiter la mesure dans le temps, la majorité présidentielle a déposé, par l’intermédiaire du député La République en marche (LRM) Marc Ferracci, un amendement qui permettait de limiter la mesure aux RTT acquis entre le 1euh Janvier 2022 et 31 décembre 2023. Mais lors de la commission paritaire mixte, les sénateurs ont réussi à reporter cette date à fin 2025.
Pendant cette période, les salariés pourront demander à leur entreprise, quelle que soit sa taille, de renoncer à une partie ou à la totalité de leurs journées de RTT. S’il accepte, l’employeur doit rémunérer ces journées ou demi-journées travaillées en appliquant « une augmentation de salaire au moins égale au taux d’augmentation de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise », soit un taux minimum de 10% du salaire. Un plafond est fixé à 7 500 euros par an.
Cette rémunération sera également exonérée d’impôt, c’est-à-dire qu’elle ne sera pas soumise à cotisations ni à l’impôt sur le revenu. C’est la principale nouveauté de la mesure. Car s’il existait déjà des moyens de monétiser la RTT, ils prévoyaient le versement de cotisations patronales et la somme versée était soumise à l’impôt.
Qui est vraiment concerné ?
Pour rappel, les RTT sont des jours de repos complémentaires et distincts des congés payés, prévus par la loi de 1998 abaissant la durée hebdomadaire du travail de trente-neuf heures à trente-cinq heures. Le salarié peut en bénéficier dès qu’il travaille plus de trente-cinq heures par semaine si la convention collective de son entreprise le prévoit. Et au-delà de trente-neuf heures hebdomadaires, les heures supplémentaires effectuées sont censées être rémunérées en heures supplémentaires. Actuellement, à quelques exceptions près, notamment si l’entreprise a un « compte épargne temps »ces jours de RTT sont perdus pour le salarié s’ils ne sont pas pris dans l’année.
Pour bénéficier de la réforme, il faut dans un premier temps avoir la RTT. Ce régime ne concerne que les salariés du secteur privé qui bénéficient d’un régime de réduction du temps de travail. Les 5,6 millions de fonctionnaires sont donc exclus. Et tous les employés ne sont pas dans le même bateau. C’est très souvent le cas des cadres, qui ont des contrats basés sur un « carte journalière » : ils doivent travailler un certain nombre de jours, le reste est divisé en congés et RTT.
En 2015, une étude de la Direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estimait que dans les entreprises de dix salariés ou plus du secteur privé non agricole, 13,3 % des salariés avaient un temps de travail comptabilisé sous forme de forfait annuel. somme en jours impliquant RTT. Ce régime était « répandue chez les cadres (47 %) et peu développée chez les non-cadres (3 %) ».
Certains secteurs, comme le commerce, la restauration, l’hôtellerie, les transports paient plutôt leurs salariés à l’heure, et préfèrent rémunérer les heures supplémentaires plutôt que d’accorder des RTT. « Si on prend l’exemple de la restauration, un marché très tendu, cette opération évite d’avoir à remplacer des personnes qui seraient absentes à cause de la RTT »déclare l’avocate en droit du travail Caroline André-Hesse.
Les données les plus récentes montrent que les RTT sont très inégalement répartis. La dernière étude de la Dares en date, publiée en 2017, indique que ce sont les cadres et les professions intellectuelles supérieures qui déclarent avoir le plus grand nombre de jours chômés et de RTT par an (33 jours par an en moyenne) devant les professions libérales. intermédiaires (31 jours), salariés qualifiés (29 jours), ouvriers qualifiés (27 jours) et enfin salariés et ouvriers non qualifiés (26 jours). Ils seront donc les principaux bénéficiaires de cette mesure.