C’est le symbole d’une série de « dysfonctionnements » que les acteurs des urgences pédiatriques ne sont plus prêts à accepter : le nombre de jeunes patients transférés hors d’Ile-de-France, où les services adaptés ne sont pas en mesure de les prendre en charge, vers les hôpitaux de régions (Reims, Rouen, Orléans , Amiens, etc.), est passé de quatorze à seize enfants en un week-end. Durant l’hiver 2019, avant le Covid-19, le record de vingt-cinq transferts avait été atteint. A l’époque, déjà, la sonnette d’alarme avait été tirée. « Nous sommes en bonne voie pour dépasser ce chiffre »pronostic Gilles Jourdain, coordinateur des quatre structures mobiles d’urgence et de réanimation pédiatriques d’Ile-de-France.
Ce n’est plus sa première crise pour ce médecin : il a l’habitude de « réglementer », selon l’expression établie, les hospitalisations d’enfants entre les cinq services de réanimation franciliens susceptibles de les accueillir (Necker, Raymond-Poincaré, Debré, Trousseau et Bicêtre). Dans le but de les retrouver, explique-t-il, « un lieu le plus rapidement et le plus près possible ». « L’hiver est devant nous, et le système est déjà au bord de l’explosion, il observe. Et non, ce n’est pas l’épidémie de bronchiolite, prévisible et habituelle, même si elle éclate un peu plus tôt cette année, qui est en cause : les ressorts de cette crise sont bien plus profonds. »
Hémorragie du personnel, lits fermés, manque de moyens, gouvernance bureaucratique, perte de sens… Dans une lettre ouverte publiée par Le Parisien, samedi 22 octobre, plus de 4 000 soignants (dont le docteur Jourdain) ont couché sur le papier ce qui se joue dans des services pédiatriques saturés, et sommé le chef de l’Etat d’intervenir sans tarder. Une démarche soutenue par des collectifs de santé – comme le Collectif Inter-hôpitaux (CIH) –, de nombreuses sociétés savantes et de nombreuses associations de patients. « Notre objectif n’est pas d’affoler la population, mais d’exiger une réponse politique immédiate et forte », explique Mélodie Aubart, neuropédiatre à Necker, coordinatrice de cette lettre. Onze régions métropolitaines sont en alerte rouge pour la bronchiolite.
« Mettre les enfants en danger »
Transferts d’enfants, donc, mais aussi hospitalisations dans des lieux inadaptés, reports d’interventions programmées, sorties prématurées… La situation, écrivent les signataires, conduit à « retards de prise en charge » et à « la mise en danger des enfants ». Cette lettre qui, dimanche soir, dépassait les 6.500 initiales, était accompagnée de la diffusion d’un communiqué collectif. Le titre donne le ton : « Santé des enfants : l’inaction politique est irresponsable ». « Nous sommes obligés de trier nos patients faute de place », pouvez-vous y lire.
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