La RATP vient de subir un revers dans le domaine judiciaire. Dans deux arrêts rendus le 19 octobre, les juges de la Cour de cassation ont estimé que l’entreprise avait commis « détournement de procédure » à l’occasion de conflits, assez atypiques, avec d’anciens salariés. Ces derniers avaient été licenciés au motif qu’ils auraient pu représenter une menace pour leurs collègues et usagers. Pour l’un d’eux, les juges ont ordonné sa réintégration dans l’effectif du groupe. L’autre pourrait connaître un sort identique – son cas devant être à nouveau examiné par la cour d’appel de Paris dans les mois à venir.
L’un de ces deux cas concerne Salim, 32 ans, dont le prénom a été modifié afin de préserver son anonymat. En novembre 2017, la RATP le recrute comme« conducteur de métro stagiaire ». Dans le même temps, la direction a contacté le Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas), rattaché au ministère de l’Intérieur, pour vérifier si cet homme était « susceptible de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre public ». Promulguée peu après les attentats de Paris, la loi du 22 mars 2016 permet, pour les fonctions sensibles, de demander de tels contrôles sur les candidats à un emploi et sur les personnes déjà en poste qui souhaitent être mutées ou dont le comportement inspire des craintes. La RATP le fait systématiquement.
En février 2018, Sneas a livré un » remarquer « communiquée uniquement à l’entreprise et dénuée de toute motivation, dans laquelle il considère que l’attitude de Salim n’est pas » pas compatible « avec le métier de chauffeur de métro. Quelques semaines plus tard, la direction flanque son collaborateur à la porte en profitant des évaluations faites par le Sneas.
« Exécution déloyale du contrat de travail »
Une longue bataille s’ensuivit devant plusieurs tribunaux. Salim réfute l’idée qu’il est un individu dangereux. Il conteste également la procédure à son encontre, pour plusieurs raisons. Premièrement, l’avis de Sneas aurait dû lui être transmis afin qu’il puisse engager, le cas échéant, des recours contre celui-ci (devant l’administration puis le juge administratif). De plus, si de telles démarches avaient été entreprises, la RATP aurait dû attendre leur issue et proposer un autre poste à son salarié. Ce n’est que si le reclassement était impossible (ou refusé par l’intéressé) que le licenciement pouvait être décidé.
Le 18 mai 2021, la cour d’appel de Paris a validé l’argument de Salim et a rendu un jugement en sa faveur. Elle condamne le transporteur à 2 000 euros de dommages et intérêts « pour mauvaise exécution du contrat de travail », tout en jugeant que le licenciement est sans « cause réelle et sérieuse ». Mais cette décision ne satisfait pas pleinement le plaignant : il souhaite l’annulation de la rupture du contrat de travail et sa réintégration dans l’entreprise de transport.
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