C’est une facette du métier qu’Alexandre Thiébaud n’avait pas imaginée lorsqu’il a repris un restaurant et une crêperie au Pouliguen, près de La Baule : la recherche d’appartement. Le propriétaire d’un établissement balnéaire doit désormais se muer en investisseur immobilier avisé pour loger son personnel. En trois ans, le restaurateur, qui double ses effectifs l’été, a acquis sept appartements au Pouliguen, « le tout pris par des salariés à l’année ou des saisonniers ». Sans cela, comment attirer les cuisiniers ou les barmans qui assureront sa silhouette estivale ? Dans les coins les plus touristiques de France, l’hébergement, si possible gratuit, est devenu un préalable aux métiers du tourisme les plus sollicités. « Nous logeons principalement des salariés qualifiés, comme des cuisiniers ou des chefs de salle, car nous ne manquons pas de main-d’œuvre non qualifiée, aides de cuisine ou serveurs, etexplique Alexandre Thiébaud. Nous avons beaucoup de jeunes dont les parents vivent sur la côte. »
Même délire immobilier pour Jean-Baptiste Pieri, propriétaire de deux hôtels en Corse. A Ajaccio, il sous-loue à ses salariés trois appartements pour 400 euros par mois, soit la moitié du prix du marché. Ses jeunes Ajacciens employés à l’année en CDI, pour 2 000 euros par mois, ne trouvent plus de logement dans leur commune d’origine. Certains sont contraints de signer des baux étudiants – ce qu’ils ne sont plus – valables uniquement pour l’année scolaire, ce qui les oblige à trouver une autre solution pour l’été. Dans le Cap Corse, il construit une deuxième maison à proximité de son établissement pour loger des saisonniers débordés par la flambée des loyers.
« Jusqu’à il y a deux ans, ils l’ont trouvé. Aujourd’hui, on doit les loger, et ce n’est pas une pression de leur part : c’est juste qu’il ne reste plus rien. Ce qui était déjà nécessaire pour les petites saisons, juillet et août, s’étend désormais aux contrats longs, de mars à octobre. Quiconque ne propose pas de logement à un saisonnier ne pourra pas l’embaucher », dit Pieri.
« Airbnb est notre fossoyeur »
Le logement est devenu « le premier obstacle au recrutement, la première question que pose le salarié », témoigne Thierry Grégoire, chargé de la question des travailleurs saisonniers à l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (UMIH). En Corse comme ailleurs, deux phénomènes se conjuguent. L’essor des locations touristiques sur des plateformes comme Airbnb, qui soustrait du marché régulier les petites surfaces adaptées aux étudiants et aux jeunes actifs, et l’exil des citadins vers les côtes normandes, bretonnes ou atlantiques, qui fait grimper l’ensemble du marché immobilier local . Les stations où il était encore possible de se loger facilement, même en retrait du front de mer, connaissent aujourd’hui une situation similaire à celle connue depuis longtemps sur la Côte d’Azur ou dans les stations de sports d’hiver.
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