Pas moins de 220 emplois sont menacés. Le brasseur Heineken a annoncé lundi 14 novembre la fermeture « d’ici trois ans » de la dernière grande brasserie de Schiltigheim, dans la banlieue de Strasbourg, dans un contexte de « baisse des parts de marché »et un plan d’investissements pour les sites de Marseille et Mons-en-Barœul (Nord). « Le dialogue social sera la priorité des mois à venir »a déclaré dans un communiqué le groupe, qui vise à atteindre un « convention collective » autour d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Heineken justifie l’arrêt de cette activité par « les nombreuses contraintes auxquelles le site est soumis »son isolement dans le centre-ville qui « empêche toute expansion »le sien « coûts de production trop élevés en raison de certains équipements obsolètes » et son « stratégie de diversification industrielle qui n’a pas porté ses fruits ».
Les volumes produits à Schiltigheim seront transférés vers les deux autres sites de production français, à Mons-en-Barœul et Marseille, qui bénéficieront d’un plan d’investissement de 100 millions d’euros en vue notamment de leur extension et « améliorer la performance environnementale ». Bière de marque Fischer, brassée en Alsace « depuis 1821 » et dont l’identité alsacienne est un argument marketing, restera produit localement, dans un « microbrasserie ».
Concurrence des microbrasseries
« Ce projet de concentration de notre outil de production sur deux brasseries au lieu des trois actuelles est nécessaire pour assurer notre compétitivité à long terme en France »a déclaré Pascal Gilet, PDG de Heineken France, cité dans le communiqué. « Nous examinerons également attentivement toute offre de reprise du site qui pourrait être proposée. »
Cette annonce intervient dans le cadre de « baisse des parts de marché » selon Heineken, causée par « l’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie »l’impact de la crise sanitaire sur « le secteur des cafés-hôtels-restaurants » Et un « concurrence accrue », surtout avec l’augmentation du nombre de microbrasseries. En France, le groupe annonce avoir vu sa part de marché dans les cafés, hôtels et restaurants passer de 28,9% en 2016 à 23% en 2021.
Au changement d’équipe à la mi-journée, de nombreux salariés de l’usine de Schiltigheim ont affiché un visage fermé, tout en dénonçant une « demi-surprise ». « Les volumes de production partaient, il n’y avait plus d’investissement depuis plusieurs années, le matériel n’était pas renouvelé »a expliqué à l’Agence France-Presse un ouvrier « plus de trente ans d’ancienneté »demandant de rester anonyme. « C’était bien avant la crise sanitaire, bien avant la guerre en Ukraine. Mais là, tous les prétextes étaient là pour fermer. C’est de l’opportunisme, c’est cynique » il se plaint.
« C’est un coup dur pour tout le monde », a concédé Didier Deregnaucourt, délégué CGT, en annonçant une grève pour la journée de mardi. Un autre salarié a rappelé qu’un plan de fermeture, élaboré en 2013, avait été abandonné.
« Nouveau coup dur » pour la circonscription
A Schiltigheim, Heineken a déjà fermé la brasserie Adelshoffen en 2000 et a été accusé d’avoir créé artificiellement les conditions industrielles et financières pour condamner le site, notamment en retirant la production de sa fameuse bière Adelscott, lancée en 1982, pour la déporter vers le créneau moins rentable des bières d’entrée de gamme et de marque maison.
« Avec le départ d’Adidas [annoncé en juin]c’est un nouveau coup dur pour la troisième circonscription du Bas-Rhin »a déploré le député La République en marche Bruno Studer, inquiet de la « perte d’attractivité économique » du territoire. « Cette annonce est un signal d’alarme »il a averti.
« L’Eurométropole de Strasbourg est fermement opposée à la fermeture de ce site industriel historique, qui fait partie du patrimoine brassicole local », a réagi dans un communiqué sa présidente, Pia Imbs, proche des écologistes. La communauté « ne manquera pas de mobiliser tous les moyens nécessaires pour empêcher cette fermeture et préserver l’activité économique du site »elle a ajouté.
Heineken, deuxième brasseur au monde derrière AB InBev, avait enregistré un bénéfice net de 3,32 milliards d’euros en 2021, après des pertes de 204 millions d’euros en 2020, année marquée par la pandémie de coronavirus. Fondée au 19ee siècle à Amsterdam, la multinationale produit et vend plus de 300 marques de bière et de cidre, dont Heineken, Strongbow et Amstel, et emploie plus de 85 000 personnes dans le monde.