Une cinquantaine des soixante-dix enseignants du centre de formation des apprentis (CFA) de Blois se sont réunis, lundi 12 décembre, par un froid glacial, sur le parvis de la halle aux grains de la ville. Protégée par une épaisse casquette, Sophie Bourgon est professeur de coiffure depuis quatre ans. « Je suis arrivé pour remplacer un titulaire qui partait à la retraite. Aujourd’hui, nous sommes trois professeurs de coiffure, tous en CDD, pour 150 jeunes. Dans quel métier devez-vous enchaîner les CDD non-stop pendant tant d’années ? »
Les bas salaires sont une autre source de mécontentement. « Parmi mes élèves en contrat d’apprentissage, certains perçoivent 1 370 euros pour trente-cinq heures hebdomadaires, y compris leurs seize heures de cours. Moi, je suis à 1 500 euros net… » Sophie aime son métier, ces jeunes qu’elle accompagne vers l’excellence : « Nous essayons de leur construire des CV attractifs, en les emmenant sur des concours, en leur faisant rencontrer Raphaël Perrier au Mans, un coiffeur reconnu internationalement… »
« Eh bien, tout tourne autour de notre temps libreelle explique, car on ne veut pas gruger leurs quelques heures de cours, mais à un moment donné, on n’en a plus envie. » Derrière elle, Christophe Jauffrion, qui enseigne depuis trente ans la chimie des cheveux teints ou décolorés. Aujourd’hui, il gagne 2 200 euros nets par mois : « Ceux qui débutent sont à 1 450 euros avec vingt et une heures de cours par semaine, contre dix-huit en enseignement général. C’est pitoyable, n’est-ce pas ? A ce prix, on ne retient pas grand chose, sauf des personnes sans envie. Les autres partent. »
« Ça devient l’usine »
Il déplore les réformes récentes, telles que l’avènement de « opérateurs de compétences » en 2019, puis la régionalisation des chambres de métiers et de l’artisanat en 2021. « Avant, je pouvais monter des dossiers pour financer une formation complémentaire d’aide à la mémorisation pour mes élèves. Maintenant, tout cela est nié… », il explique. Selon les témoignages, le sentiment d’être le « oublié de l’enseignement » domine parmi ces grévistes.
Leur mobilisation s’ajoute à celles, très récentes, des formateurs des CFA de Vannes, Lorient (Morbihan), Plérin (Côtes-d’Armor), Rouen, Chartres, Orléans ou encore Lézignan-Corbières (Aude). Après vingt-quatre ans comme mécanicien puis chef d’atelier dans un garage Volkswagen, Olivier Legros s’est tourné vers le CFA de Blois par envie de transmission. Le voici désabusé. « Je n’ai jamais fait grève, mais à un moment donné, il fautIl regrette. Il faut arrêter de se prendre pour des idiots. » Déjà quatre ans de CDD aussi, et toujours pas de CDI. Son salaire stagne à 1 700 euros net.
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