« C’était devenu difficile ces dernières années mais, depuis le Covid, c’est catastrophique. » Au comptoir de la pharmacie de Donzère, dans la Drôme, Brigitte Boyer, 68 ans, soupire un instant, avant de poursuivre, agacée : « En trente ans de pharmacie, je n’avais jamais vu ça. Par le passé, nous réussissions à recruter en un mois ! Là, je cherche depuis un an et demi un assistant pharmacien sans succès. » Résignée, la pharmacienne s’est finalement résolue, cet été, à fermer son commerce le samedi après-midi. Une décision prise à contrecœur, mais » nécessaire « pour « soulager un peu les équipes »épuisé par la charge de travail.
A 400 kilomètres de là, scénario similaire dans la région de Dijon. « C’est le même bordelnote cet autre pharmacien. Pour la première fois, je voyais des collègues baisser le rideau pendant les vacances d’été, faute d’avoir trouvé des remplaçants pour maintenir la pharmacie ouverte pendant les vacances de leurs employés. »
Entre prescriptions médicales, conseils aux clients et nouvelles missions sanitaires comme la réalisation des tests Covid-19 et la vaccination, l’activité des officines a bondi ces dernières années. Mais, après avoir accueilli avec enthousiasme l’élargissement de leurs responsabilités, les officines, confrontées à un manque de personnel de plus en plus criant, sont déprimées.
« Les difficultés de recrutement se sont accrues. Il manque actuellement 15 000 assistants et pharmaciens dans le réseau des officines. Aucune officine n’échappe aujourd’hui à ce phénomène », confirme Christophe Le Gall, président du Syndicat national des pharmaciens de France. Même les territoires d’outre-mer sont à la peine. « Malgré une rémunération très attractive, un contrat de 35 heures, et le coût du billet d’avion et de l’hébergement sur place, on ne trouve personne », explique un pharmacien hors métropole. Sur le Web, les annonces diffusées sur les sites de recrutement et les réseaux sociaux témoignent de cette quête effrénée : « Nous recherchons toujours un pharmacien », » Nous avons besoin de toi « , « pharmacie désespérée »…
Changement de mentalité
Où sont passés les pharmaciens ? « Comme dans beaucoup d’autres métiers, il y a eu une perte de personnel, en raison de la crise du Covid. Les pharmaciens, fatigués par la charge de travail, se sont remis en question et ont déserté la profession »avance Pierre-Olivier Variot, président du Syndicat des pharmaciens d’officine, qui souligne également le changement de mentalité des jeunes générations. « Beaucoup mettent l’accent sur la qualité de vie plutôt que sur les salaires, et refusent de travailler le week-end ou pendant de longues heures », il continue. De nombreux pharmaciens s’interrogent également sur la « Mercenaires Covid »ces pharmaciens qui ont préféré abandonner l’employé de l’officine pour enchaîner les réalisations des tests Covid-19 dans l’intérim, bien plus lucratifs.
Il vous reste 49,66% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.