Ils n’échappent pas à la vague. A l’image de leurs homologues d’Agro Paris Tech, d’HEC ou d’autres Grandes Ecoles qui ont exprimé leurs attentes et préoccupations lors des discours de fin d’études, la nouvelle génération d’ingénieurs du bâtiment a des ambitions différentes de celles de ses aînés. « Le salaire n’est plus la principale motivationobserve Joël Cuny, directeur général de l’École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP Paris) et délégué général du Réseau pour l’enseignement supérieur de la construction. Aujourd’hui, les ingénieurs souhaitent rejoindre une entreprise liée aux enjeux environnementaux et en cohérence avec leurs valeurs. C’est un phénomène à la fois très présent et très récent. S’ils sont conscients que les entreprises ne peuvent évidemment pas changer du jour au lendemain, ils attachent au moins de l’importance à un discours de sincérité. »
C’est ainsi que Loïck Rauscher Lauranceau, 25 ans, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Nancy, a préféré se détourner du grand groupe auquel il postulait. Lorsque, dans un entretien, à la question rituelle sur les qualités du candidat, le jeune homme a déclaré être honnête et défendre l’écologie, il a ressenti le léger malaise de son interlocuteur. « Néanmoins, on m’a dit que si je voulais installer des bacs recyclables dans les bureaux, ils me soutiendraient », note-t-il ironiquement. Sarah (certains de nos interlocuteurs ont requis l’anonymat), 22 ans, en cinquième année à Centrale Nantes, a remarqué, lors d’un stage dans un grand bureau d’études, « qu’il était difficile de changer les choses de l’intérieur ».
Quant à Antoine, 27 ans, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines d’Albi, il a préféré quitter son emploi dans un grand bureau d’études, pourtant revendiquant une fibre verte. « La tendance au ‘greenwash’ m’a dérangé. Systématiquement, nos responsables nous disaient qu’il fallait respecter la volonté du client. Que s’il ne voulait pas s’engager dans une démarche plus franchement écologique, il ne fallait pas l’y contraindre. La peur de le perdre était trop grande. » En période de réflexion après un burn-out, Antoine envisage de se reconvertir dans l’enseignement, la gestion d’un bar à jeux de société ou la rénovation énergétique.
« La tendance à faire du ‘greenwashing’ me dérangeait », Antoine, diplômé des Mines d’Albi
Rénovation énergétique. Les mots sont lâchés. Comme le rappelle Dominique Naert, directeur du mastère spécialisé « immobilier et bâtiments durables » à l’Ecole des ponts Paris Tech, d’ici 2030, vingt millions de logements devront être rénovés. « Nous vivons une véritable révolution constructive, avec le plan de rénovation énergétique, le RE 2020, la prolongation de la loi anti-gaspillage pour une économie circulairefait-il remarquer. Nous savons que de nombreux bâtiments sont énergivores. Et ce confort a été remis en cause par le froid, la chaleur. Nous avons vécu une pandémie qui a causé des souffrances dans le logement. Il y a des choses à faire ! »
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