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EnquêteD’ici la fin de l’été, Accor, le nouveau propriétaire du cabaret parisien, envisage d’arrêter sa revue mythique. Récit de la chute d’un monument parisien, entre rivalités familiales et échec artistique.
Revendications, pancartes, défilés… En matière de manifestations, les Parisiens sont au courant. Pourtant, ce samedi 28 mai, des badauds qui prenaient le soleil dans les jardins de l’hôtel Salomon de Rothschild, à deux pas de la place de l’Etoile, ont écarquillé les yeux à la vue de « » un peu insolite : une trentaine de jeunes gens bien bâtis, en T-shirts et leggings noirs, répétant – « et 1, 2, 3 » – une chorégraphie de catch.
Bluebell Girls et Lido Boys, autrement dit « danseuses et danseurs du Lido », entendaient protester avec style contre l’arrêt de la célèbre revue, aussi emblématique de Paris que la Tour Eiffel. Le 9 mai, trois mois après avoir acquis avec Sodexo le cabaret des Champs-Elysées, le groupe hôtelier Accor a annoncé son intention de consacrer l’enceinte panoramique aux comédies musicales. Exit les serveurs, artistes ou habilleurs : un plan de sauvegarde de l’emploi visant à supprimer 157 postes sur 184, pour 12 créations, est en négociation jusqu’au 12 août. C’est sans compter les nombreux CDD ou intermittents, ainsi que les chasseurs, plumes travailleurs ou photographes vivant dans le magazine.
L’étonnement s’empara du monde de la nuit. D’ici la fin de l’été, le rideau tombera définitivement sur soixante-quinze ans de plumes, de froufrous et d’extravagance. « C’est un gâchis monumental pour la scène parisienne. On a le sentiment que, parce que c’est du divertissement, notre savoir-faire est dévalorisédéplore Jérémy Bauchet, assistant maître de ballet et ancien Lido Boy. Il y a une richesse humaine et technique incroyable au Lido. Une Bluebell a une façon unique de marcher, de se présenter sur scène, de croiser les jambes… Ça ne s’apprend pas à l’école. »
« Ce n’est pas la compétence du peuple qui est en cause, mais le modèle économique »répond Jean-François Richard, à la tête du Lido depuis février. « Je respecte l’attachement des équipes au Lido, mais les pertes étaient telles que ça ne pouvait plus continuer comme ça »slice Sébastien Bazin, PDG d’Accor.
« Notre projet est ambitieux »
Avec un taux d’occupation de 42 %, en moyenne, depuis 2012, le cabaret, dont les coulisses présentent un délabrement alarmant, a généré 80 millions d’euros de pertes cumulées. Une ardoise que Sodexo a dû éponger avant qu’Accor ne reprenne la société exploitante en février pour 1 euro symbolique. « Notre projet est ambitieux. Nous voulons donner un coup de jeune à cette maison et écrire une nouvelle page de son histoire., insiste M. Bazin. Quitte à reprendre la partition interrompue au Théâtre du Châtelet : M. Bazin, qui a présidé cette scène de mars 2015 à février 2022, est épaulé par Jean-Luc Choplin, l’ancien metteur en scène qui avait fait du Châtelet le royaume des comédies musicales jusqu’à son départ en 2017.
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