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Marie a eu peur ce jour-là. Elle était sur la route, de retour d’un contrat dans une station de France Bleu, lorsqu’elle a perdu la vue pendant de longues secondes. « J’étais dans un état de fatigue extrême et j’ai soudain vu du noir. Heureusement, j’étais en ligne droite, je tenais le volant du mieux que je pouvais », raconte le jeune journaliste de 27 ans (dont le prénom a été changé), qui roulait alors d’une radio de service public à l’autre, après des semaines à un rythme effréné à sillonner la France. Pliée sous la surcharge de travail, elle a depuis décidé de s’arrêter un temps – comme d’autres jeunes journalistes contactés, essorés par les conditions de travail de leurs premières années à Radio France.
Les indépendants, ou les contrats à durée déterminée (CDD) inscrits sur le « planning », le système de l’entreprise permettant de lier les contrats courts : sans eux certaines rubriques de l’information du groupe – qui regroupent les quarante-quatre radios locales de France Bleu, France Inter, Franceinfo… – ne tourneraient pas. Ils sont une centaine à ce jour au programme et à peu près autant de pigistes (près du quart des journalistes de Radio France) ; ils sont sur le pont la nuit ou le week-end, envoyés dans toute la France pour des missions de courte durée, souvent jusqu’à épuisement.
Les quinze jeunes recrues qui ont accepté de nous parler ces derniers mois, sous couvert d’anonymat par crainte de « représailles »racontent la même histoire : celle d’un « précarité institutionnalisée »de longues journées de travail et une pression insupportable, pour lesquelles « n’importe quelle entreprise privée aurait déjà été épinglée ».
L’envie souvent chevillée au corps de travailler pour la fonction publique, ces jeunes journalistes déscolarisés ont fait leurs premiers pas dans l’entreprise en tant que pigistes – missions à la journée, rémunérés 73 euros nets, un montant qui augmente avec l’ancienneté. Généralement rattachés à un local France Bleu, sans toutefois garantie d’un nombre de jours mensuels travaillés, ils sont déjà régulièrement surchargés de travail. « J’ai rencontré l’ouvrier du matin quand j’ai fini à 3h du matin, après avoir commencé à 8h30 », relate un journaliste, passé par une station de l’Ouest.
« Conditions de travail illégales »
Tentante, l’expérience freelance c’est aussi parce qu’elle joue la possibilité, accordée par son rédacteur en chef, de se présenter à un concours interne : deux jours d’épreuves et une poignée de sélectionnés, pour ne pas intégrer totalement l’entreprise… mais un vivier pour les contrats à durée déterminée, le fameux « planning » au sein duquel les inscrits sont tenus de se déplacer en remplacement sur tout le territoire – officiellement le passage obligé pour espérer, à terme, s’établir à Radio France. Un système, en place depuis des décennies, qui conduit ces jeunes journalistes à enchaîner les contrats à durée déterminée pendant plusieurs années, pour certains jusqu’à plus de cinq ans, en dehors de tout cadre légal.
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