Il faut être un initié pour savoir pourquoi, chaque jour avant 13h, une file d’impatients se forme devant le 62, rue Pierre-Charron au 8e arrondissement de Paris. Cachée dans une ruelle, une enseigne apparaît timidement : Club Pierre Charron. Dans le même temps, à l’intérieur, des dizaines de croupiers en uniforme s’affairent scrupuleusement à accomplir leurs rituels quotidiens dans un décor sobre : compter les 75 000 jetons de l’établissement, d’une valeur de 50 centimes à 25 000 euros chacun, sous le contrôle d’un membre du comité de direction ( MCD), vérification de chaque jeu de cartes… Le tout sur les traditionnelles tables du casino – tapis verts, mais tapissés d’électronique – et sous les dizaines de caméras qui parsèment le plafond.
Il y a sept clubs de jeux comme celui-ci à Paris. Un statut unique au monde, fruit d’une longue transition juridique et administrative, et pour l’instant expérimental. Ces nouveaux établissements très réglementés ont été créés en 2018 pour assainir et canaliser les jeux d’argent en région parisienne. Censée se terminer dans un premier temps en 2020, puis en 2022, l’expérience se terminera en 2024, date à laquelle une éventuelle pérennité sera discutée.
Les casinos étant interdits depuis 1919 dans un rayon de 100 kilomètres autour de Paris (à l’exception de la ville thermale d’Enghien-les-Bains, dans le Val-d’Oise, qui abrite le plus grand casino de France), le jeu associatif des cercles ont fleuri pendant des décennies dans la capitale, avant de fermer un à un, dans les années 2000 et 2010, le tout pour des affaires d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent.
Chic mais confidentiel
Pour les remplacer, la capitale peut donc accueillir, pendant quatre ans, ces établissements, qui offrent les jeux d’association (où chaque joueur fait face à la banque) et le poker sous différents formats (où les joueurs peuvent s’affronter). En revanche, les activités les plus populaires dans les casinos (roulette et machines à sous) sont interdites. Le Service central des courses et des jeux (SCCJ) de la police judiciaire, mandaté par le ministère de l’Intérieur, contrôle scrupuleusement ces « demi-casinos ». « L’offre de jeu est désormais très saine, c’est le jour et la nuit par rapport aux jours des cercles, accueille Stéphane Piallat, responsable du SCCJ. J’ai une équipe de fonctionnaires qui vont chaque semaine dans les clubs, ils sont chargés d’agréer tout le personnel, d’inspecter la lutte contre le blanchiment d’argent… »
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