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Taille moyenne, barbe bien taillée, tenue sombre. Matthieu Lépine, 36 ans, est professeur d’histoire-géographie au collège Lenain-de-Tillemont de Montreuil (Seine-Saint-Denis), mais il pourrait tout aussi bien être bassiste dans un groupe de rock. Il avoue aussi avec une pointe de gêne avoir été le chanteur d’un groupe d’amis, durant son adolescence à Laval (Mayenne). « Je ne savais pas chanter, mais il fallait que quelqu’un s’y colle », avoue-t-il souriant. La phrase pourrait illustrer le combat qui l’occupe depuis plus de six ans : faire connaître au grand public le drame des morts du travail. Lancé sur les réseaux sociaux, son » travail « , comme il se fait appeler, a abouti à un livre. Dans L’hécatombe invisible (Seuil), qui vient de paraître, Matthieu Lépine poursuit son état des lieux des décès au travail et dénonce les négligences systémiques qu’ils illustrent.
« Mourir si jeune et si vieux, avec ce putain de statut d’indépendant qui fait de vous un travailleur sans en avoir le droit… Ces deux morts m’ont donné envie d’être plus efficace. » Matthieu Lépine
C’est une phrase d’Emmanuel Macron qui l’a déterminé à se lancer. En 2016, quelques jours avant le forum économique de Davos, le ministre de l’économie de François Hollande avait déclaré sur BFM-TV que « La vie d’un entrepreneur est souvent plus difficile que celle d’un employé. Vous ne devriez jamais l’oublier. Il peut tout perdre. » Matthieu Lépine est alors jeune enseignant dans un collège classé REP+. Après avoir fait ses armes à l’université Rennes-II lors du mouvement contre la réforme du contrat de premier travail, en 2006, il rejoint le Parti de gauche, puis La France insoumise, participant, en 2012 et en 2017, aux campagnes d’Alexis Corbière à Montreuil. Parallèlement, il tient un blog sur l’histoire des luttes sociales.
Après la « petite phrase », il se met à répertorier les accidents du travail au quotidien. Début 2019, deux autoentrepreneurs sont décédés à quelques jours d’intervalle. Michel Brahim, couvreur à la retraite, a continué à travailler pour compléter sa pension mensuelle de 700 euros. Franck Page, 19 ans, coursier pour Uber Eats, décède suite à un accident de la route. « Mourir si jeune et si vieux, avec ce putain de statut d’indépendant qui fait de vous un travailleur sans en avoir le droit… Ces deux morts m’ont donné envie d’être plus efficace », explique-t-il aujourd’hui.
Selon les calculs de Matthieu Lépine, au moins 896 personnes sont mortes d’un accident du travail en 2019. Cette même année, l’Assurance maladie en dénombrait 733 et la Dares 790, soit le taux d’incidence le plus élevé d’Europe selon les données d’Eurostat.
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