reportageUn patrimoine brassicole vieux de quatre siècles reprend vie à Armentières, dans le Nord. Profitant d’un marché porteur, la dixième génération des Motte a relancé l’entreprise familiale.
L’odeur du houblon a disparu. Mais pas les souvenirs. Casque de chantier sur la tête et chaussures de sécurité aux pieds, François Motte, son épouse et leur fils Henry déambulent dans l’ancestrale brasserie familiale Motte-Cordonnier, aujourd’hui en travaux. Dans ce château usine, construit par le grand-père, René Motte, et typique du XIXe siècle de la région du Nord, c’est l’effervescence.
Ce ne sont pas les bulles de bière qui remontent à la surface, mais bien les images de cette époque où la bière faisait vivre une partie de la population de cette ville de la métropole lilloise. « Tous les ans, pour être élus chefs de classe, on promettait aux enfants des écoles d’Armentières une visite de la brasserie », se souvient de François Motte, 59 ans. Ils avaient droit à un verre de Moco, « la limonade qu’on fabriquait ici en plus des bières ». Au cœur de la salle flamande aux vitraux presque intacts, de vieilles chaises et quelques objets recouverts de poussière présentent la grandeur d’un passé glorieux, qui vit défiler des milliers d’ouvriers, souvent de génération en génération, sur le site de ce bâtiment aujourd’hui classé. Dans la famille, les châteaux sont industriels ! On n’y habite pas, soulignent la motte.
Dans cette commune du Nord, pas un habitant qui n’avait de lien, de près ou de loin, avec l’histoire de la brasserie Motte-Cordonnier. « Quand on vient présenter nos productions sur les marchés armentiérois, explique Anne-Catherine, l’épouse de François Motte, les gens ont tous des tas d’histoires à nous raconter ». Les cinq cents membres du groupe Facebook des anciens de la brasserie Motte-Cordonnier s’échangent aujourd’hui des vieilles photos, des anecdotes et des clins d’œil, comme ce calendrier de 1954, avec la photo d’un petit garçon tout sourire , en salopette et chemise à carreaux, un verre de bière au bord des lèvres. « Au jardin d’enfants, on nous servait de la bière colorée à la théine, à 1,5 degré. Et, dans les écoles, il y avait de la bière à la cantine. Nous, on ajoutait du sucre, on secouait, et ça pschittait ! « , raconte en riant François Motte, par ailleurs chef d’entreprise d’une société de clôtures et portails.
« Tout recommencer de zéro »
L’histoire de ce patrimoine régional brassicole, née en 1650, aurait pu s’arrêter en 2018 avec la mort de Bertrand Motte, dernier dirigeant familial de la brasserie. « Cet été-là, avec toute la famille, on a bu une bonne bière en pensant à lui, et on s’est dit que le fil de l’histoire ne pouvait pas s’arrêter là, qu’il fallait même relancer la marque et tout recommencer de zéro », explique Henry Motte, jeune ingénieur centralien de 29 ans, aîné de la dixième génération, et désormais président de la brasserie Motte-Cordonnier, depuis qu’il a quitté son poste de chef de projet dans l’informatique.
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