« Unrecord tout simplement historique. » Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, s’est félicité, lundi 17 janvier, du nombre d’entreprises créées en 2021 en France – un million –, qu’il considère comme le signe d’un regain d ‘attractivité du pays.
Un record tout simplement historique. https://t.co/h4pmE4OaU6
Avec 995 868 entreprises créées en 2021, « cela représente une augmentation de 17,4 % par rapport à 2020, elle-même une année record avec près de 850 000 entreprises créées », détail un communiqué du gouvernement.
Deux tiers de microentrepreneurs
Les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sur lesquelles s’appuient M. Le Maire, apportent cependant une nuance de taille : parmi ces créations d’entreprises, près de deux tiers étaient des microentreprises. Si on les exclus, le nombre d’entreprises créées en 2021 n’est plus que de 354 325.
La différence est importante. Le régime de l’autoentrepreneur créé en 2009 – devenu microentrepreneur depuis 2014 – est bien souvent plus fragile que celui des entrepreneurs classiques.
Selon une étude publiée par l’Insee en juillet 2021, les microentrepreneurs retiraient en 2019 en moyenne 590 euros par mois de leur activité non salariée, soit 6,5 fois moins que les non-salariés classiques (essentiellement des entrepreneurs individuels ou des gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée). L’étude précise ainsi :
Leur faible revenu est lié à la nature de ce régime, qui impose des plafonds sur les chiffres d’affaires pour en bénéficier. Un sur quatre gagne moins de 100 euros par mois, la moitié moins de 330 euros et un sur dix plus de 1 510 euros. »
Indépendance et précarité
Gage d’indépendance, le statut de microentrepreneur s’est imposé ces dernières années pour les personnes qui souhaitent lancer leur activité. Ce régime simplifié offre une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à condition de ne pas dépasser certains seuils et une exonération partielle de charges sociales pendant la première année d’activité.
A la fin de 2019, la part des microentrepreneurs augmentait dans presque tous les secteurs, selon l’Insee :
« Elle atteint 75 % dans le commerce de détail hors magasin (sur les marchés ou à distance) et jusqu’à 98 % dans les activités de livraison à domicile et de coursiers urbains. »
Si cette promesse d’affranchissement du salariat est séduisante, elle est aussi synonyme d’instabilité et de petits boulots. Parmi les microentrepreneurs, 29 % cumulaient leur activité avec un travail salarié à la fin de 2019. L’arrivée de la crise sanitaire, en 2020, a aggravé les choses. Un sondage publié au début de 2021 par l’Union des autoentrepreneurs montrait que, si plus de 83% des personnes interrogées sur un échantillon de 3 320 répondants avaient repris une activité à l’issue du deuxième confinement, ils n’étaient que 10% à avoir récupéré au moins 60 % de leur chiffre d’affaires de l’année précédente.
L’autoentrepreunariat peut aussi être subi, et s’apparenter à du salariat déguisé sous la coupe d’une entreprise ayant recours à des microentrepreneurs pour ne pas avoir à l’employeur. Sanctionnée par la loi, la dissimulation d’emploi salarié est caractérisée, selon l’Urssaf, lorsque « les personnes employées fournissent un travail à un donneur d’ordre, dans des conditions qui les placent dans un privilège de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ; et que le donneur d’ordre a entraîné pu échapper à ses obligations d’employeur par ce moyen. »
Des microentreprises moins pérennes
Une autre enquête de l’Insee montre que les microentreprises sont moins pérennes que les entreprises individuelles classiques :
« Cinq ans après leur immatriculation au premier semestre 2014, un tiers des autoentrepreneurs ayant activé leur activité sont toujours actifs. Pour la même génération, la proportion d’entrepreneurs individuels classiques pérennes à cinq ans est beaucoup plus élevée (53 %). »
Derrière le chiffre record de 995 000 entreprises créées en 2021, on trouve ainsi 641 000 nouveaux microentrepreneurs, dont le profil ne correspond pas toujours à l’image du patron fortuné.