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« Vous savez que l’espérance de vie en bonne santé en France est de 64 ans… » Lundi 11 avril, s’adressant à Emmanuel Macron sur BFM-TV, le journaliste Bruce Toussaint s’est prononcé contre la proposition présidentielle de repousser l’âge de la retraite à 65 ans, car cela créerait des difficultés pour les personnes qui ne peuvent plus vivre sans handicap.
Cet argument avait déjà été avancé en octobre 2021 par le député de La France insoumise du Nord Adrien Quatennens ou dès élection présidentielle 2017, candidate de l’Association nationale de Marine Le Pen. Mais si l’espérance de vie en bonne santé est un thème récurrent dans le débat sur l’âge de la retraite, elle est souvent mal comprise ou mal utilisée.
Qu’est-ce qu’une espérance de vie en bonne santé ?
Introduit au milieu des années 2000, cet indicateur de santé publique mesure le nombre d’années qu’une personne peut vivre sans être limitée dans ses activités quotidiennes par des problèmes de santé, explique la Recherche, Recherche, Évaluation et Statistiques (Drees), qui fait référence au ministère de la Santé. . Elle est aussi appelée espérance de vie sans incapacité (DFLE) ou, plus rarement, espérance de santé.
Tandis que l’espérance de vie classique remonte aux tables de mortalité établies au XVIIe siècle.e Aux Pays-Bas, le concept d’espérance de vie en bonne santé n’a commencé à prendre forme que dans les années 1960. « De nombreux scientifiques ont essayé de trouver quelque chose d’aussi simple que l’espérance de vie, mais moins quantitatif. »explique Jean-Marie Robin, démographe à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et expert du vieillissement de la société.
Cette réflexion a conduit à plusieurs voies d’estimation, comme la méthode de Sullivan, qui associe des données de mortalité à la prévalence de certaines pathologies. « Mais il est très difficile d’estimer cette prévalence : les gens ne sont pas forcément conscients qu’ils sont malades, cela dépend du niveau d’éducation, des connaissances médicales, etc. Alors le plus simple est de regarder l’état fonctionnel, c’est-à-dire la niveau de handicap des personnes.poursuit Jean-Marie Robin. C’est ainsi qu’EVSI s’est imposé, jusqu’à devenir en 2004 l’un des indicateurs officiels de l’Union Européenne.
Plus précisément, il mesure l’impact de la santé sur la vie quotidienne et sa gestion par la société. « C’est donc un sujet lié au handicap. » explique Thomas Deroyon, statisticien et auteur de l’étude Drees HLE 2020. Cela permet notamment « en tenant compte de la dégradation du corps et de la qualité de vie dans la vieillesse »ajoute l’anthropologue et médecin Didier Fassin, auteur du livre Sur l’inégalité de la vie (Fayard, 2020).
Comment le calcule-t-on ?
Qu’elle soit mesurée par la DREES ou l’organisme statistique européen Eurostat, l’espérance de vie en bonne santé est calculée à partir des données globales de mortalité d’un pays désagrégées par sexe et par âge. En 2019, l’espérance de vie à la naissance (c’est-à-dire l’âge moyen au décès d’une génération dans les conditions actuelles de mortalité) est de 85,6 ans pour les femmes et de 79,7 ans pour les hommes, selon l’Institut national de la statistique et des recherches économiques (Insee).
Ces données purement statistiques recoupent le deuxième facteur, à savoir la présence ou l’absence de pathologie, qui au fil du temps est perçue par la personne qui en souffre comme invalidante. Celle-ci est mesurée par une enquête déclarative très simple puisqu’elle se compose d’une seule question : « Avez-vous été restreint pendant au moins six mois en raison de problèmes de santé dans les activités que les gens font habituellement ? » Il y a trois réponses possibles : non, un peu et beaucoup.
Quelle est l’espérance de vie actuelle en bonne santé des Français ?
Selon le dernier rapport de l’INSEE, basé sur les calculs d’Eurostat, l’espérance de vie sans incapacité en 2020 était de 65,9 ans pour les femmes et de 64,4 ans pour les hommes, une augmentation significative par rapport au milieu des années 2000. Le DLE à 65 ans en 2019 était de 11 ans, supérieur à la moyenne de l’Union européenne de 10,3 ans.
A noter que l’indicateur est rarement cité correctement : Adrien Quatennens a cité à tort 62 ans et une chute comme moyenne, ce qui est doublement faux, et Marine Le Pen a fait valoir que « L’espérance de vie en bonne santé est importante, et elle est assez faible », ce qui contredit également les données officielles. Il est aussi souvent cité sans les précautions d’usage.
Quelles sont les limites de cet indicateur ?
Le premier concerne sa méthodologie. Basé sur un questionnement déclaratif, le DLE s’appuie sur une partie de la subjectivité, « même si des études ont montré qu’il peut capter des réalités objectives »Nuances de Thomas Deroyon. Aussi, par rapport aux enquêtes de mortalité calculées sur la base des 600 000 personnes qui meurent chaque année en France, ce chiffre ne peut s’appuyer que sur un échantillon réduit d’environ 16 000 répondants, ce qui rend difficile l’interprétation des différences annuelles.
De plus, ces enquêtes ne sont menées qu’au sein des ménages, avec un énorme angle mort du côté des placements pour seniors dépendants (Ehpad), dont les résidents sont, par définition, plus sujets au handicap. « C’est comme les sondages, il y a une erreur. Quand on la compare aux principales enquêtes qui se font en France pour suivre le chômage ou les prix, on se demande pourquoi on n’a pas fait des enquêtes plus fiables.regrette Jean-Marie Robin.
Enfin, faute de moyens, EVSI désagrège l’espérance de vie en bonne santé par sexe et par âge plutôt que par catégorie socioprofessionnelle. Mais les différences sont importantes. Emmanuel Cambois, chargé de recherche à l’Institut national de recherches démographiques (INED) et auteur en 2008 d’une étude sur « double danger » travailleurs, a pu mesurer ces inégalités : « Les travailleurs ont une espérance de vie plus courte et, au sein de cette espérance de vie plus courte, ils ont également plus d’années à vivre avec un handicap. » Les carrières en lambeaux avec une forte insécurité sont également surexposées, rapporte-t-elle.
Bien que l’étude n’ait pas été répétée depuis lors, les experts s’attendent à ce que peu de choses aient changé. Des enquêtes similaires menées récemment à l’étranger sont arrivées à la même conclusion, a déclaré Mme Cambois. L’étude de l’INSEE montre que l’espérance de vie des ouvriers est de six à sept ans inférieure à celle des cadres, et que les 5 % les plus pauvres meurent en moyenne 13 ans plus tôt que les 5 % les plus riches.
Peut-on s’y référer dans une discussion sur l’âge de la retraite ?
Oui, bien qu’il soit important de ne pas considérer le DLE comme autre chose qu’une moyenne. » Une espérance de vie sans incapacité de 65 ans ne signifie pas que vous vivez jusqu’à 65 ans et devenez soudainement invalide. Quelqu’un deviendra handicapé à 37 ans, et quelqu’un à 73 ans, c’est individuel.» dit Jean-Marie Robin Cependant, en cas d’allongement de la durée de service, les personnes les plus fragilisées par la précarité et la précarité risquent de ne pas atteindre l’âge de la retraite à taux plein. Quoi qu’ils valent en pensions de vieillesse, ils valent en allocations chômage et maladie, prévient Emmanuel Cambois.
En le complétant d’enquêtes plus précises sur l’espérance de vie en bonne santé par profession, cet indicateur pourrait tout aussi bien permettre une adaptation plus subtile et juste de la législation. « Aujourd’hui, les plus pauvres contribuent au paiement des pensions des plus riches. L’âge de la retraite devrait être calculé sur la base de l’espérance de vie en bonne santé, ce qui n’est pas pris en compte par la réforme envisagée par le président de la République.note Didier Fassin.
C’est même la principale utilité politique de cet indicateur. « Si on veut une société juste, si on ne peut pas agir sur la mort ou la maladie, on peut au moins agir sur l’âge de la retraite »souligne Jean-Marie Robin.
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