« On a le sentiment que l’équilibre entre droits et devoirs n’est pas maintenu »

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Brice Teinturier est directeur général délégué d’Ipsos. Dans une interview à Mondeil revient sur les critiques qui s’élèvent dans l’opinion publique contre l’État-providence.

Dans vos enquêtes, notez-vous une préoccupation particulière à l’égard de l’État-providence et du système social ?

En France, on note un attachement très fort à la protection sociale, mais aussi une montée des critiques à l’encontre d’un système qui donne trop de poids à certaines parties de la population. Nous sommes actuellement environ 50% de Français à considérer qu’il y a trop d' »assistanat » dans notre pays, une part équivalente considérant, en revanche, qu’il n’y a pas assez de solidarité envers les personnes qui en ont besoin.

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L’incertitude accrue sur le pouvoir d’achat des Français – leur première préoccupation –, sur l’inflation ou la question des salaires accentue cette tendance et un sentiment d’injustice entre une France qui se battrait pour travailler et une France qui percevrait des allocations indûment certaines. Un sentiment et une frustration qui peuvent se transformer en ressentiment. A fortiori dans un pays où l’idée prévaut désormais que la menace a changé, que le chômage a considérablement baissé et que les entreprises ne peuvent plus recruter.

Cette critique a-t-elle une coloration politique particulière ?

Oui, la critique est bien plus vive chez les sympathisants du parti Les Républicains et ceux du Rassemblement national. Mais elle touche aussi plus de 40 % des sympathisants du Parti socialiste et des écologistes ! Au sein de l’électorat populaire et surtout de la petite bourgeoisie, elle est aussi particulièrement répandue.

François Ruffin (LFI) et Fabien Roussel (PCF), qui se revendiquent, de différentes manières, de la gauche ouvrière, ne sont donc pas en décalage avec leur électorat ?

C’est plutôt une autre partie de la gauche qui est en décalage avec cet électorat. On peut se demander comment dire les choses, mais si la gauche abandonne le terrain du travail et la question de la juste solidarité, elle passe à côté de quelque chose d’essentiel. L’idée que le travail est une valeur intrinsèquement de droite est un contresens historique et philosophique et le risque pour une gauche qui ne valoriserait que le recul du travail est de se couper de pans entiers de la société. Et ça, Fabien Roussel et François Ruffin l’ont bien compris.

Lorsque Paul Lafargue publie son droit à la paresse [1883], il ne faut pas oublier qu’il est le gendre de Karl Marx et qu’il a parfaitement compris, au-delà de sa critique du travail comme aliénation, la fascination de Marx pour lui. Il y a une tradition à gauche qui fait du travail une valeur cardinale émancipatrice. Ce qui donne sa valeur au prolétariat, c’est qu’il travaille alors que la bourgeoisie est parasitaire. Vous trouvez cela dans la dialectique du maître et de l’esclave dans [le philosophe allemand] Hegel.

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