La sous-déclaration des accidents du travail est une pratique commerciale courante

La sous-déclaration des accidents du travail est une pratique commerciale courante – Thebuzzly


Zéro : c’est le nombre d’accidents du travail déclarés suite à l’incendie de l’usine Lubrizol, survenu à Rouen le 26 septembre 2019, selon les chiffres de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Maritime, qui, au cours de la même période, reconnu 105 dans les entreprises voisines. « C’est un vrai miracle. Pour être en bonne santé, il fallait travailler chez Lubrizol »ironise Philippe Saunier, membre du collectif santé-travail de la Fédération CGT des industries chimiques. « Aucun accident n’a été signalé par un salarié ou constaté, il n’y a donc pas eu de déclaration, répond l’entreprise. Nous sommes particulièrement vigilants au respect de la réglementation. »

Les accidents du travail ne sont pas toujours déclarés comme il se doit. A tel point que depuis 1997, une commission (présidée par un magistrat de la Cour des comptes) évalue le coût réel, pour la branche santé, de leur sous-déclaration ainsi que celle des maladies professionnelles (AT-MP). Elle estime le nombre d’accidents ou de maladies qui, s’ils avaient été déclarés, auraient dû être reconnus comme étant d’origine professionnelle, pour déterminer ce que la branche AT-MP doit verser à la branche « maladie » de la Sécurité sociale.

Entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros

La dernière commission, réunie en 2021, chiffre ce coût annuel entre 1,2 milliard et 2,1 milliards d’euros, dont 110 millions concernent les accidents du travail. La moitié des accidents du travail en France ne seraient pas reconnus, estime la commission, en se basant sur une enquête du ministère du Travail réalisée en 2017 ; 72 % ne seraient pas déclarés, et 26 % des accidents du travail avec arrêt (soit 224 000).

« La sous-déclaration s’est institutionnalisée et devient une pratique managériale dans les grandes entreprises, mais aussi chez les sous-traitants qui doivent se montrer irréprochables pour décrocher des contrats.estime Jérôme Vivenza, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. Une entreprise qui ne déclare pas un accident du travail encourt une amende de seulement 750 euros ! »

En revanche, les déclarations en bonne et due forme augmentent les cotisations patronales, qui tiennent compte du nombre et de la gravité des accidents. Pour réduire le taux, le moyen le plus fréquent est de transformer ces accidents en arrêt maladie simple, ou de déclarer les accidents du travail sans arrêt de travail.

Lisez aussi le premier article de la série : Article réservé à nos abonnés Les accidents du travail : une réalité persistante

Plusieurs grandes entreprises pratiquant des politiques « zéro accident » pour baisser leur niveau de cotisation sont entrées dans l’histoire : en 2007, à l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), l’inspection du travail a constaté la déclaration de cinquante-huit accidents du travail sans arrêt, dus à un « système organisé de pression visant à ce que les salariés, victimes d’un accident du travail, pour lesquels un arrêt de travail avait été prescrit, renoncent à le prendre en tout ou en partie »notamment via des postes de travail équipés pour  » occuper «  employés, lorsqu’ils n’étaient pas en mesure de travailler.

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