Chronique. Les salaires ont fortement augmenté en Chine depuis plus de deux décennies : le salaire nominal moyen des travailleurs urbains a été multiplié par 13 entre 1998 et 2020. En moyenne, il est aujourd’hui plus élevé que dans la plupart des pays non membres de l’OCDE, ce qui pose la question de la situation actuelle et les futurs moteurs de la croissance chinoise, qui jusque dans les années 2000 reposaient sur des coûts salariaux faibles.
Cependant, il apparaît que cette croissance des salaires a favorisé l’innovation, ce qui suggère que cette dernière est aujourd’hui l’un des moteurs de la croissance du pays (Wage raise and innovation in manufacturing industries: Evidence from China, Junwei Shi and Hongyan Liu, Journal de l’économie de l’Asie-Pacifique, septembre 2021). Plusieurs théories s’affrontent pour comprendre les conséquences d’une hausse des salaires sur l’innovation.
Bref, cette augmentation peut être un frein à l’innovation en réduisant la rentabilité des entreprises et leur capacité à investir dans les nouvelles technologies. Mais, alternativement, l’innovation peut être un effet de la hausse des salaires, suivant au moins deux canaux : d’une part, les entreprises peuvent introduire des technologies pour les remplacer par du travail, devenu trop cher ; d’autre part, ils peuvent chercher à maintenir l’emploi mais à augmenter sa productivité grâce aux nouvelles technologies.
La Chine n’est plus un pays à faible coût de main-d’œuvre
Les deux économistes, Junwei Shi et Hongyan Liu, ont analysé 37 secteurs manufacturiers entre 2002 et 2019, montrant qu’il existe en moyenne un lien positif entre la croissance des salaires et l’innovation (mesurée par le nombre annuel de brevets déposés au niveau du secteur). Cependant, ce résultat varie fortement dans le temps et selon les secteurs.
Ainsi, les effets mesurés ne sont devenus significatifs et positifs qu’après 2008 et l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les contrats de travail, qui a permis d’uniformiser la relation salariale, après une période de dérégulation du marché du travail dans les années 1990. Par ailleurs, les effets les plus forts sont mesurés dans les industries intensives en ressources primaires (mines et énergie) et, dans une moindre mesure, dans celles basées sur la mobilisation de main-d’œuvre (textile) d’une part et de technologies (chimie, électronique) d’autre part. d’autre part. En revanche, ils ne sont pas significatifs dans les industries basées sur l’accumulation de capital (acier).
Enfin, cette étude montre que le principal mécanisme sous-jacent est l’augmentation de la productivité du travail grâce aux technologies, et non une substitution de l’une par l’autre. Ces résultats indiquent que la Chine n’est plus un pays à faible coût du travail et que la croissance des salaires a conduit à une transformation du mode de développement de ce pays, passant de » Fabriqué en Chine « à « Conçu en Chine » basé sur l’avancement des technologies.
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