La Billetterie Centrale de Blois, un bunker blanc austère derrière la gare SNCF, emploie une soixantaine de personnes, chacune se faisant appeler par son surnom et utilisant un jargon bien étrange : « Étape de protection de la chaussée », L’affaire Axitrans, entend-on sur le parking, où plusieurs voitures, blindées ou non, reviennent au compte-gouttes. Ces chauffeurs armés collectent ou livrent des devises dans des banques, des restaurants McDonald’s, des supermarchés et certains bars à tabac entre Chartres et Isère-sur-Creuse (Indre-et-Loire). Ils se partagent le marché avec le groupe américain Brink’s. Le site de Blois est l’un des 64 détenus par la société suédoise Loomis.
Eric Grele, 54 ans, passionné de Krav Maga et instructeur de tir en club, est opérateur à la chaîne depuis vingt-trois ans. Ce colosse gagne environ 2 000 euros par mois, dont 400 euros de primes de sécurité, comprenant l’habillement et la nourriture. Face à la hausse des prix de l’essence, de l’alimentation et du gaz, les syndicats (FO, CGT, CFDT, UNSA, CFTC) ont réclamé une hausse des salaires. Ils demandent une augmentation de 95 euros brut (+ 5%). La direction leur a donné 25 euros, soit dans le détail une hausse de 0,6 % en avril, puis 0,4 % en septembre et 1 % en janvier 2023. « Ce n’est pas dans notre culture de faire la grève, mais nous déplaçons des fonds très importants et luttons pour des augmentations ridicules pour au moins atténuer l’inflation. », explique le représentant du syndicat FO, dont le salaire n’a pas bougé depuis trois ans. « Pendant le Covid-19, nous avons toujours travaillé, mais nous n’avons jamais été récompensés… Par exemple, il n’y a jamais eu de prime Macron. »
frappes denses
Eric travaille en trio dans des camions blindés ou en binôme lorsqu’on lui confie des valises cossues pour ranger ses billets. – Qui explosera si vous dépassez le temps imparti entre le véhicule et la passerelle de livraison, ou si vous vous écartez trop de l’itinéraire. On a eu deux braquages à Blois… c’est un métier dangereux et il restera dangereux. Nous sommes d’accord que chaque jour nous risquons nos vies., se souvient cet employé en regardant chaque passant qui s’approche.
De grève totale, le mouvement social, suivi à plus de 80%, vire à Blois aux grèves de masse. « Nous commençons à 8 heures et terminons à midi. Comme nous rayonnons dans la région et que le véhicule blindé ne roule qu’à 90 km/h, cela signifie que le tour vers Chartres ou Chinon [Indre-et-Loire], qui compte habituellement vingt à trente arrêts, n’en compte plus que deux, puisqu’il faut compter 1h45 pour s’y rendre ! Je peux vous dire que de nombreux magasins et distributeurs ne livrent plus. »