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Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, revient sur le conflit chez TotalEnergies, dont il réfute l’utilité sociale, et plaide pour plus de dialogue pour répondre aux inquiétudes des salariés.
La grève des raffineries touche à sa fin, quel est votre sentiment sur le climat social en France ?
Il y a une tension forte, difficile à appréhender. Les changements qui nous attendent ont été intégrés par les travailleurs, mais leurs conséquences restent floues, ce qui suscite une profonde inquiétude. Les enquêtes d’opinion montrent une évolution dans la structuration des préoccupations des travailleurs : la répartition de la valeur créée, les conséquences du changement climatique et le rapport au travail ont dépassé la peur du chômage de masse, voire le sujet des retraites.
On observe des inquiétudes individuelles face à l’arrivée de l’hiver, les bouleversements que va provoquer la transition écologique, l’instabilité démocratique… La question salariale est aussi au cœur des discussions, avec des conflits au plus haut depuis le début de l’année. Le contexte d’inflation favorise également cette incertitude généralisée : ne sommes-nous qu’au début de l’épisode inflationniste ?
La CGT est apparue perdante, car elle n’a pas réussi à exporter la grève au-delà des raffineries, néanmoins, sa stratégie de grèves préventives a permis de décrocher un accord généreux chez TotalEnergies. Vous dites merci à la CGT ?
Non. Ce n’est pas le blocage des raffineries qui a conduit à l’accord. Les négociations annuelles obligatoires de 2023, qui étaient prévues le 15 novembre, date du début de la grève CGT, auraient abouti au même résultat.
Nous avons mis en lumière un mouvement de grève qui a réuni moins de 300 personnes sur les 14 000 salariés de l’industrie raffinage-pétrochimie de TotalEnergies. Dans le même temps, les résultats que l’on rencontre dans d’autres branches, moins ouvertes aux questions de répartition de la valeur créée, avec des négociations menées dans un climat de relations sociales normales, sont passés sous silence. Si l’accord a vraiment été obtenu grâce à la CGT, qu’elle le signe ! D’autant plus qu’il s’agit d’un accord majoritaire.
La CGT n’a pas voulu reconnaître cet accord majoritaire. A l’instar de ce que l’on observe dans le mouvement politique, ressentez-vous une remise en cause de la représentativité dans le milieu syndical ?
Quand je vois 300 grévistes vouloir décider pour 14 000 salariés, je n’appelle pas ça la démocratie. Nous avons le droit d’être en désaccord, mais le fait majoritaire doit prévaloir.
Croyez-vous à un « ruissellement » de revendications, où ceux qui ont les moyens de faire des grèves spectaculaires travailleraient pour les travailleurs de deuxième ligne, ceux-là mêmes qui ont été mis en avant avec les « gilets jaunes », alors pendant la pandémie ?
Je n’y crois pas du tout. Les sous-traitants bénéficient rarement des avances faites par les salariés. Quant à ces emplois fantômes jugés indispensables pendant la pandémie, ils ont été vite oubliés.
Certaines branches sont particulièrement en retard sur le plan salarial, mais on constate aussi des progrès grâce à une démarche syndicale qui se fait au quotidien : il faut arrêter de penser que le syndicalisme ne se manifeste que lors de grands mouvements explosifs.
Il faut répondre par le dialogue social à l’inquiétude sourde qui se répand dans le pays, corrélée à la montée de l’extrême droite. Prenons l’exemple du secteur automobile : la part croissante de la production de véhicules électriques va bousculer cette industrie. Les travailleurs le savent et s’interrogent sur les répercussions.
Vous avez remis sur le devant de la scène les questions fiscales et la taxation des plus riches. Pourquoi vous intéressez-vous à ces questions ?
Il est naturel que la CFDT s’intéresse à l’intérêt général, les travailleurs étant aussi des citoyens. La pandémie a mis en évidence la solidité de notre système de protection sociale et l’importance de nos services publics. Il est donc légitime de se poser la question de la participation de chacun à l’intérêt commun.
Après le grand débat, on a identifié à tort un ras-le-bol fiscal des Français, mais leur perception est en réalité celle d’une forte inégalité fiscale. On peut donc s’interroger sur la contribution des revenus du capital par rapport à celle des revenus du travail et discuter de la fiscalité du patrimoine par exemple.
Quant aux superprofits, il faut surtout regarder à quoi ils servent : financer la transition énergétique ou rémunérer les actionnaires ? Il faut établir des règles collectives et non étudier les entreprises au cas par cas.
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