« Certainement une mesure d’apaisement social », ironisait sur Twitter le 30 avril Anthony Smith, responsable CGT au ministère du Travail. En marge des manifestations contre la réforme des retraites, un décret datant du 24 avril autorise les employeurs à couper l’eau chaude dans les sanitaires des entreprises et des bâtiments à usage professionnel. Raison invoquée : sobriété énergétique.
La consommation d’eau chaude sanitaire dans les locaux tertiaires affiche une augmentation constante, selon les chiffres du ministère de la Transition écologique : elle a atteint 22,6 milliards de kilowatts/heure (kWh) en 2019, contre 21,9 milliards de kWh en 2013. C’est plus de 10 %. de la consommation énergétique totale des bâtiments tertiaires.
Ce décret s’appliquant jusqu’au 30 juin 2024, la mesure sera valable cet hiver. Le texte ne fixe pas de température extérieure minimale à atteindre. Les bâtiments concernés comprennent les écoles, les hôpitaux et les établissements publics, mais uniquement les sanitaires réservés aux travailleurs de ces bâtiments.
Risque de prolifération bactérienne
Cependant, il ne sera pas si facile de couper l’eau chaude à ses employés. L’employeur doit au préalable recueillir l’avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. Par ailleurs, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), obligatoire dans toutes les entreprises d’au moins un salarié et transmis par l’employeur au service de prévention en santé au travail, doit établir qu’il n’existe aucun risque pour la sécurité et la santé des travailleurs du fait de la manque d’eau chaude.
Cependant, certaines bactéries prolifèrent lorsque la température de l’eau est tiède, c’est-à-dire entre 20 et 45 degrés, notamment la légionellose (qui n’aime pas l’eau froide). » En vingt ans de pratique j’ai déjà eu le cas d’une personne décédée de cette maladie et celui d’un employé qui s’est retrouvé paralysé, simplement après s’être aspergé le visage », se souvient Camille Pradel, avocate spécialisée en santé au travail.
A ses yeux, d’ailleurs, il faudra être très prudent dans le DUERP, notamment aux risques de stagnation des eaux ». En l’absence de textes législatifs suffisamment précis en la matière, « il faut se référer aux normes de bonnes pratiques ».
Douches exclues
Pour prévenir la légionellose, l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France recommande » purger tous les points d’utilisation en cas d’absence prolongée », pour éviter notamment la stagnation d’eau tiède dans le chauffe-eau, et rappelle qu’un arrêté du 30 novembre 2005 préconise une température supérieure ou égale à 50°C en tout point du réseau de distribution, « à l’exception des tubes d’alimentation finale des points de puisage », précise le décret.
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