Le livre. Lors de sa conférence de presse du 11 décembre 2019, destinée à présenter son programme pour faire de l’Union européenne « climatiquement neutre » en 2050, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fait une comparaison inattendue. Afin de souligner l’importance de son Green Deal pour l’Europe, elle a rappelé le sublime enthousiasme que le président John F. Kennedy avait suscité lorsqu’il avait promis, en 1961, d’envoyer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie. Le Green Deal européen serait « Homme sur la Lune » d’Europe.
Rien de commun, à première vue, entre le programme Apollo, son objectif de surpasser l’URSS dans la conquête spatiale, et la nécessaire réduction des émissions de CO2.2. Mais dans un rapport remis au commissaire européen à l’innovation et à la recherche début 2018, Mariana Mazzucato avait déjà défendu l’idée que la conquête de la Lune pourrait servir de modèle à l’Union européenne en définissant un certain nombre de « devoirs » exaltante et consensuelle permettant de renouer avec la croissance. Pour concevoir Apollo-11, l’État fédéral américain a dû réorganiser la recherche publique et privée, entraînant le passage d’innombrables » retombées « , techniques, scientifiques mais aussi institutionnels et politiques. Elle a également démontré la capacité des pouvoirs publics à prendre des risques et à créer de la valeur.
C’est tout à propos Mission économique. Prenant acte, après bien d’autres, des échecs du capitalisme financier, Mariana Mazzucato dénonce le poids persistant des doctrines néolibérales : les dirigeants les plus enclins à revendiquer « pragmatisme » sont très souvent, selon la célèbre formule de Keynes, seuls les « esclaves d’un ancien économiste ». Un chapitre entier est consacré à tuer ces « des mythes qui entravent le progrès » : non, les entreprises ne sont pas les seules à prendre des risques ou à créer de la valeur. Non, le rôle de l’État ne doit pas se limiter à corriger les défaillances du marché. Non, le secteur privé n’est pas plus efficace ou intelligent, ni moins coûteux que le secteur public. Les nombreux scandales qui, en France ou ailleurs, ont mis en lumière l’inefficacité et le coût excessif des cabinets de conseil privés auxquels les Etats avaient sous-traité, en sont pour elle une preuve éclatante.
Répartir la richesse
L’apport de Mazzucato réside avant tout dans ses propositions pour sortir de l’impasse actuelle. Partant d’une théorie de la valeur comme « création collective » – les services publics prennent leur juste part aux côtés des entreprises –, l’auteur souhaite que l’État ne se contente plus de corriger les marchés mais de les inventer. Il ne suffira pas, pour cela, de faire appel au volontarisme et à la libre initiative. L’État doit pouvoir intervenir dans le droit des brevets et des contrats, répartir les richesses de manière à mieux rémunérer tous les créateurs de valeur, mais aussi user de levier monétaire et activer la dépense publique.
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