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OOn a parlé de « grande démission » pour caractériser la hausse sans précédent des démissions aux États-Unis depuis la fin de la crise sanitaire : chaque mois, plus de 4 millions de travailleurs en moyenne quittent volontairement leur emploi. Ce qui, cumulé sur un an, correspondrait à un salarié sur trois. Cette image s’applique-t-elle aussi à l’Europe ? Nous ne voyons pas une explosion de démissions ; néanmoins l’accélération est perceptible en Grande-Bretagne, en Italie, en France, et apparaît même en Espagne (où le taux de chômage reste néanmoins élevé). Etonnant rapprochement entre pays anglo-saxons et pays latins ! Si l’on passe des démissions aux difficultés de recrutement, notamment dans les secteurs où les salaires et les conditions de travail sont notoirement mauvais, le phénomène s’observe partout.
Le contexte
Trente-huit millions de travailleurs américains ont quitté leur emploi en 2021. Cela a donné naissance au concept de « grande démission », qui fait référence au désamour des employés post-pandémie. Confinement et télétravail ayant « révélé », au contraire, la médiocrité des conditions de travail, voire sa « perte de sens ». Le phénomène n’épargne pas la France, avec 400.000 démissions de CDI au troisième trimestre 2021. Les entreprises et la fonction publique peinent à attirer des candidats. Est-ce, en période de reprise économique, le banal rééquilibrage d’un marché jusque-là favorable aux employeurs ? Ou une véritable « crise du consentement », explorée par sociologues, managers, juristes, médecins, économistes et psychologues réunis à ESCP Business School les 9 et 10 juin, pour un colloque intitulé « Le consentement ? Pourquoi, comment et vers quoi ? »
A première vue, il n’y a rien de plus classique : le rapport de force entre employeurs et salariés s’est modifié en faveur de ces derniers. C’est l’heure de la vengeance. Après des décennies difficiles, le débat se rouvre sur les augmentations salariales et l’amélioration des conditions de travail.
Menaces pour le rétablissement
Cependant, ce serait une grave erreur de s’arrêter à ce diagnostic. Premièrement, le recours aux remèdes logiques (augmenter les salaires, alléger les aspects les plus pénibles des conditions de travail) se heurte déjà à des menaces qui pèsent sur la pérennité de la reprise. Ensuite, ces remèdes agissent sur les symptômes, plus que sur les causes. Il faut donc se placer en amont des phénomènes évoqués. N’est-ce pas ce que font les salariés qui démissionnent, plus ou moins consciemment ? Comment ne pas être intrigué par les multiples indices et témoignages, suggérant que la réticence des salariés à se contenter des emplois existants va bien au-delà de l’insuffisance du pouvoir d’achat ?
Ces mouvements de retrait s’observent en effet aux deux extrémités de l’échelle des diplômes. D’un côté, les serveurs et cuisiniers désertent la restauration, les saisonniers des métiers du tourisme, les infirmiers des hôpitaux, etc. De l’autre, les jeunes cadres bien payés désertent leur emploi dans la finance, le marketing ou la gestion pour se reconvertir dans des activités manuelles, tandis que les élèves des grandes écoles font collectivement savoir qu’ils vont déserter les belles carrières traditionnelles, dénuées de sens et/ou indifférentes à la transition écologique.
Certes, l’ordre de grandeur quantitatif est encore limité – mais pas l’ordre de grandeur qualitatif. Cette simultanéité révèle l’entrée en crise de ce que la philosophe Simone Weil [1909-1943] nommé le « consentement à travailler ». Précisons : le consentement à travailler dans les entreprises (et les organismes publics qui leur sont similaires, comme les hôpitaux) tels que qu’ils sont gouvernés.
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