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Les locaux du Laboratoire de recherche sur le travail forcé contemporain de l’Université fédérale de Rio de Janeiro ne sont pas très grands et ses murs sont couverts d’étagères. A l’intérieur, des livres mais surtout des classeurs, rangés par État et par année, méticuleusement rassemblés depuis plus de quarante ans. Le père Ricardo Rezende sait immédiatement où en sont celles concernant le constructeur allemand Volkswagen. Ces derniers jours, le téléphone de ce professeur de religion et de droit n’a cessé de sonner. « J’attends cette audience depuis quarante ans, donc même si je suis fluet et fatigué, je suis content », il a dit.
Mardi 14 juin, les avocats du constructeur allemand devaient comparaître devant le procureur chargé de la lutte contre l’esclavage moderne, Rafael Garcia Rodrigues, qui devait leur notifier les charges retenues contre l’entreprise. Les faits allégués ne se sont pas déroulés au sein des usines du groupe au Brésil mais dans une ferme du sud-est de l’Amazonie, que Volkswagen avait acquise en 1973 dans le cadre de l’opération « Amazonia ». Cette appellation entièrement militaire était en fait un programme de développement de la région impulsé par l’armée.
La junte avait alors mis en place des dégrèvements fiscaux et des aides publiques pour attirer les investisseurs privés, tant nationaux qu’internationaux. Volkswagen avait jeté son dévolu sur une propriété de 140 000 hectares : la Companhia do Vale do Rio Cristalino, dans la localité de Santana do Araguaia, où de très nombreux ouvriers étaient détenus contre leur gré et sans salaire. « Il est impossible d’estimer leur nombre, quarante ans après les événements. Mais nous avons trouvé vingt travailleurs et notre enquête montre que Volkswagen était parfaitement au courant des pratiques criminelles en cours », a-t-il ajouté. assure aujourd’hui Rafael Garcia Rodrigues.
Créer le « bœuf du futur »
En 2019, ce procureur reçoit la visite du père Rezende, armé d’un lourd dossier monté depuis des années. « Volkswagen avait finalement accepté d’indemniser les ouvriers de ses usines de Sao Paulo qu’elle avait livrés à la junte militaire. Je me suis dit qu’il était temps de s’occuper de ceux de Cristalino », dit le moine. Cristalino aurait dû être une ferme modèle, socialement irréprochable et techniquement à la pointe. « Volkswagen avait l’ambition de créer la « viande bovine du futur » : une race adaptée au climat tropical. Le bétail et le fourrage étaient contrôlés depuis l’École polytechnique de Zurich, en Suisse, et l’Université de Géorgie, aux États-Unis. Le slogan de son président à l’époque était « Ce monde n’a pas seulement besoin de voitures, il a besoin de viande ». explique Antoine Acker, professeur d’histoire à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève et auteur du livre Volkswagen en Amazonie (Cambridge University Press, 2017, non traduit).
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