Anthony Smith, l’inspecteur qui a trop bien fait son travail

Anthony Smith, l'inspecteur qui a trop bien fait son travail 

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Le caillou dans la chaussure du ministère du Travail depuis plus de deux ans est un fonctionnaire aux airs de Monsieur Tout le monde, sympathique et grisonnant. L’inspecteur du travail Anthony Smith a été suspendu mi-avril 2020, puis muté d’office, pour avoir engagé une action en justice contre un employeur qui ne protégeait pas suffisamment ses salariés contre le Covid-19. « Ubuesque », « digne d’un polar de second ordre », affirme-t-il aujourd’hui.

Échaudé par son bras de fer avec sa tutelle, l’agent, 47 ans, précise qu’il s’exprime en tant que responsable syndical CGT au ministère du Travail, un mandat qui lui donne une certaine liberté de parole. Précaution utile, car le dossier est éminemment politique : l’affaire a débuté alors que Muriel Pénicaud était à la tête du ministère, mais la sanction est tombée après qu’Elisabeth Borne, actuelle Premier ministre, lui a succédé.

Rue de Grenelle a rapidement rétropédalé, réduisant sa sanction pour tenter d’enterrer le dossier. Mais l’opposition ne cesse de le lui rappeler. Le 28 septembre, Anthony Smith demandera au tribunal administratif de Nancy l’effacement de sa peine. Son comité de soutien, coprésidé par deux députés La France insoumise, Mathilde Panot et Thomas Portes, fait déjà monter la pression sur les réseaux sociaux. Des élus de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont prévu de l’accompagner à l’audience, tout comme les chercheurs, militants syndicaux ou associatifs qui font bloc autour de lui : depuis 2020, Anthony Smith fédère à lui tout seul la gauche . Ses partisans voient en lui l’incarnation d’une inspection du travail maltraitée par les impératifs économiques.

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Entré dans la profession en 2005, Anthony Smith explique son choix de carrière par le parcours de ses parents. Son père, ouvrier, et sa mère, enseignante, lui ont transmis l’idée que « le travail est le seul moyen de s’élever socialement ». Mais leur exemple l’a aussi structuré politiquement, à gauche. « J’ai vu ce qu’était le travail d’ouvrier, ça m’a façonné. » Il découvre que l’entreprise est un lieu de rapports de force qui appelle des contre-pouvoirs. L’inspection du travail en fait partie. Anthony Smith aime à rappeler que la loi qui l’a créé, en 1892, interdisait le travail des enfants de moins de 13 ans et celui des femmes dans les mines.

Au service du code du travail

Après quelques années comme professeur d’économie, il devient « observateur privilégié » autorisés à entrer dans les entreprises pour faire appliquer le code du travail et ses « grandes conquêtes sociales ». Dans la Marne, où il est affecté, l’essentiel du travail est administratif : « échanges, observations, demandes de mise en conformité ». La coercition – signalements, arrêts de travail en cas de danger grave et imminent… – n’intervient qu’en dernier recours. Le métier n’en est pas moins politique. « Être le bras gauche de l’Etat », « servir le code », il l’assume et en fait sa fierté. Comme être syndiqué depuis ses 18 ans, à l’UNEF, le syndicat étudiant, puis à la CGT, même s’il assure « se dissocier [s]nous travail de [s]nous activisme ».

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