A la naissance du Conseil d’orientation des retraites en 2000, son président, Yannick Moreau, a rappelé que« il serait illusoire de penser qu’on peut augmenter la durée d’activité (…) si la gestion des ressources humaines n’évolue pas profondément ». Cette préoccupation s’est réactivée à chaque réforme des retraites, et c’est toujours le cas aujourd’hui : on reparle, et c’est légitime, de la durée du chômage des salariés seniors, la pénibilité des tâches accomplies par de nombreux salariés plus âgés ou encore leurs éventuels problèmes de santé et restrictions de compétences.
Mais il y a un autre enjeu, moins visible, de la vie active dans les années qui précèdent la retraite : ce qui relève des conditions de l’activité, et plus précisément de ses conditions temporelles. Les difficultés qui se présentent sont en effet fortement liées à une caractéristique majeure de l’évolution du travail dans les pays industrialisés au cours des trente dernières années : une tendance soutenue à son intensification, avec ses traits bien connus tels que le raccourcissement des délais, l’allongement du temps de travail dispersés ou le rythme accéléré du changement.
En France, la proportion de salariés dont le rythme de travail est imposé par « normes ou délais en une heure maximum » augmenté, entre 1984 et 2019, de 5 % à 23 % selon les enquêtes nationales sur les conditions de travail ; celle des travailleurs dont le rythme dépend d’un « demande externe nécessitant une réponse immédiate » augmenté de 28 % à 55 % ; toutes les autres formes de contraintes temporelles ont varié dans le même sens et se chevauchent souvent.
A chacun son vieillissement
Face à ce faisceau de contraintes, les ressources ou faiblesses personnelles sont diverses, de même que les compromis que les femmes et les hommes au travail construisent, au cours de leur vie professionnelle, entre les exigences de leurs tâches et leur propre relation. au travail, leur santé, leurs compétences et leurs projets. Les effets de l’âge, dans ce domaine, ne sont ni uniformes ni systématiques : à chacun son âge, pourrait-on dire.
Le déclin de certaines fonctions est très variable selon les individus ; en même temps, l’expérience s’enrichit et les stratégies de travail s’affinent. Mais l’intensification peut souligner d’éventuelles carences (par exemple, les quarts de nuit accentuent une déstabilisation du sommeil). Surtout, elle peut remettre en cause les apports d’expérience, plus difficiles à développer et à mobiliser lorsque les temps sont tendus.
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