Le canard enchaîné ne pouvait s’ébouriffer dans les plumes sans réagir. Depuis que l’information de la plainte contre X pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux » au sein du journal a été révélée le vendredi 26 août par Le mondela réponse du volatile était attendue avec impatience.
« La réalité dépasse la fiction », annonce le titre de l’article paru en bas du « un » de l’édition datée du mercredi 31 août et arrivé, comme chaque semaine, dans les rédactions parisiennes mardi après 17 heures. « Conseil d’administration », elle s’efforce de porter atteinte au caractère fictif de l’emploi de la compagne d’André Escaro, 94 ans, dessinateur historique du journal et ancien administrateur. Découverte par les journalistes de l’hebdomadaire au début de l’été, la plainte a été déposée le 10 mai par l’un des leurs, Christophe Nobili, 51 ans, plume de la Canard depuis quinze ans.
Ambiance dégradée à la rédaction
Selon les administrateurs, la décision de « faire appel à Edith » remonte à 1996, lorsque l’auteur des cabochons (petits dessins) qui ponctuent « La Mare aux Canards », en page 2, exprime le souhait de prendre sa retraite. « Il est d’abord réticent, arguant que le cumul emploi-retraite n’est alors pas autorisé et, surtout, qu’il entend désormais s’éloigner des turbulences politiques… »assure le texte de six colonnes, où il est précisé qu’André Escaro souhaitait aussi se consacrer à ses passions. « Il finira par céder, à condition que sa compagne, Edith, l’épaule en mâchonnant un peu le travail », expliquent les auteurs. Cela aurait donc « lire la presse pour lui »et aurait aidé « pour trouver l’astuce qui fait des cabochons de sel » – huit mille ont été conçues en vingt-six ans.
Seul le sondage « déterminera si ce montage, qui peut certes paraître un peu acrobatique, est attaquable (…) administrativement », soulignent le président des Editions Maréchal Le Canard enchaîné, Michel Gaillard, le directeur de la publication, Nicolas Brimo, les rédacteurs, Erik Emptaz et Jean-François Julliard, ainsi que les journalistes et administrateurs (depuis le 22 juin), Odile Benyahia-Kouider et Hervé Liffran. Les enquêteurs de la brigade financière qui ont commencé à auditionner les salariés cet été, vont-ils se laisser convaincre par ce qui ressemble à un « Pan sur le bec ! » ?
Quant à convaincre la rédaction, où l’ambiance s’est sensiblement dégradée, que ces vignettes devaient leur malice au compagnon de leur auteur, ce ne sera pas chose aisée. Même si « Escaro et Edith ont rendu leurs tabliers en juin »l’affaire risque de laisser de profondes cicatrices.