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« Pourquoi les travailleurs travaillent-ils si dur ? » Avec cette question très simple posée dans l’introduction de son œuvre majeure Produire le consentement (The City is Burning, 2015, publié aux États-Unis en 1979), le sociologue britannique Michael Burawoy a bouleversé la tradition des sciences de l’organisation qui, de Taylor à nos jours, se demande plutôt pourquoi les travailleurs fainéants, timides, ne sont pas suffisamment « motivés », « engagés » voire « impliqués », pour recourir à un management plus actuel termes.
Le contexte
Trente-huit millions de travailleurs américains ont quitté leur emploi en 2021. Cela a donné naissance au concept de « grande démission », qui fait référence au désamour des employés post-pandémie. Confinement et télétravail ayant « révélé », au contraire, la médiocrité des conditions de travail, voire sa « perte de sens ». Le phénomène n’épargne pas la France, avec 400.000 démissions de CDI au troisième trimestre 2021. Les entreprises et la fonction publique peinent à attirer des candidats. Est-ce, en période de reprise économique, le banal rééquilibrage d’un marché jusque-là favorable aux employeurs ? Ou une véritable « crise du consentement », explorée par sociologues, managers, juristes, médecins, économistes et psychologues réunis à ESCP Business School les 9 et 10 juin, pour un colloque intitulé « Le consentement ? Pourquoi, comment et vers quoi ? »
Pourtant, les grandes enquêtes internationales sur les valeurs, menées depuis les années 1980, montrent que les Français attachent une grande importance au travail en tant qu’activité génératrice de revenus et de dignité. C’est, par exemple, ce qui pourrait, en partie, expliquer le taux massif de non-recours à l’activité du revenu de solidarité active (RSA), certaines personnes refusant de bénéficier d’un dispositif « d’aide » pour compléter leurs revenus tout en travaillant. Cela s’est à nouveau vérifié depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020. L’enquête TraCov, menée par la Direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, a identifié l’allongement du temps de travail et l’intensification du travail.
Disponibilité étendue
Pour ceux qui ont pu faire du télétravail, ce surcroît de travail s’explique par la suppression du temps de transport et la dérégulation du temps de travail au prix, notamment pour les femmes, d’un travail plus lourd d’articulation des temps sociaux dans un contexte de répartition inégale. du travail domestique et parental. Les travailleurs les moins qualifiés, comme les livreurs à vélo, souvent en situation de sous-emploi à la frontière du chômage et du salariat, ont cherché à compenser la réduction brutale de leurs heures de travail rémunéré en étendant leur disponibilité, au détriment de leur la santé et la vie de famille.
Parallèlement, toujours selon l’enquête TraCov, le sens du travail a progressé au plus fort des contraintes sanitaires. En janvier 2021, près de 20 % des travailleurs déclaraient ressentir un plus grand sens du but ou de la fierté dans leur travail, tandis que 10 % mentionnaient un affaiblissement de ces aspects. Pourtant, un an plus tard, la Dares enregistre une augmentation significative des démissions et ruptures contractuelles. L’une des interprétations possibles de ce phénomène serait, avec le retour de relations de travail similaires à celles d’avant la crise sanitaire, le questionnement par les travailleurs de la cohérence entre leurs objectifs et ceux des organisations.
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